Quarante-quatre personnes ont péri sous les bombardements, en août 1944, au Pouzin. Ce bourg du Centre-Ardèche, situé en vallée du Rhône, était un point stratégique. Avant et après le débarquement en Provence, les Alliés avaient repéré, depuis longtemps, des cibles. Mais, larguées à très haute altitude, les bombes ont aussi détruit ou endommagé de nombreux bâtiments civils.
Il est 10 heures 47, le 6 août 1944. Une première vague de vingt-sept bombardiers B17 surgit dans le ciel. Des tonnes de bombes explosives sont larguées pour détruire le pont ferroviaire et le dépôt de carburant. C’est le deuxième bombardement sur Le Pouzin depuis quelques jours. Le plus important et meurtrier. À cette heure-ci, des fidèles catholiques et protestants prient à l’église et au temple.
Le témoignage qui suit a été recueilli par l’association pour la recherche du patrimoine du Pouzin, présidée par le docteur François Auzas.
Déjà, beaucoup d’enfants sont rassemblés dans l’église pour ce premier dimanche du mois. Soudain, un grondement sourd, prolongé… Des explosions et, tout de suite, on apprend que le quartier de la gare et le pont à La Voulte viennent d’être bombardés. Panique ! Le père-curé Serre fait sortir ses paroissiens, raconte André Blachier. Et d’ajouter : Tel un vol de cormorans, de gros avions, entourés par d’autres plus petits, brillants au soleil, passent au-dessus de nos têtes. Aussitôt après, d’autres vagues passaient et détruisaient l’église et le sud de l’agglomération.
Dans l’ordinateur du médecin se trouvent de très nombreuses photos du bombardement, dont celles prises par les pilotes des avions alliés. Il les montre à la Pouzinoise Claude Poupier, 85 ans : Ce jour-là, les pilotes ont manqué leurs cibles. Mais ils étaient tellement hauts, remarque l’octogénaire. Dans un trou, avec son père, elle est tétanisée. La peur m’avait totalement bloquée et paralysée, souffle-t-elle. Sa seule hâte était de retrouver sa maman : Elle était partie à la montagne, pendant que nous étions allés chercher des ramières pour notre chèvre et de l’herbe pour les lapins.
En moins d’une heure, l’église, le temple ainsi que les écoles sont entièrement détruits, et 250 maisons sont endommagées. Alice Arnaud, disparue depuis, se confiait il y a quelques années : Comment oublier le bruit des avions, le sifflement infernal des bombes, les cris des blessés, le désespoir des familles ayant perdu l’un des leurs, le désespoir de tout un village devant les ruines des maisons ? » Et de préciser : Comme moi, beaucoup d’anciens ne peuvent tirer un trait sur un tel désastre.
Après le bombardement du 6 août, de nombreux habitants ont décidé de partir. Claude Poupier et ses parents ont, eux, abandonné leur maison après le 16 août. Ils se sont réfugiés sur les hauteurs, à Rompon. Un jour, on a observé une bataille aérienne. C’était impressionnant ! s’exclame-t-elle.
Le bilan s’est alourdi par la suite, avec la découverte d’autres cadavres. Le grand clocher de l’église catholique était tombé exactement sur un des paroissiens qu’on ne retrouvera que trois mois plus tard, en déblayant le tas de pierres énormes, écrit le pasteur Brémond.
Le 11 juin 1949, la commune reçoit la Croix de Guerre. Le président de la République, Vincent Auriol, s’adresse alors aux habitants : Vous avez supporté, stoïques et patients, car vous saviez que c’était la condition de votre libération, les bombardements des alliés qui détruisirent les réservoirs et le pont du Rhône. La proximité de votre village lui valut d’être rasé presque en sa totalité, offert ainsi en holocauste au salut de la Patrie.
Le traumatisme est resté ancré longtemps chez les Pouzinois, à l’instar de Claude Poupier : « Pendant des années, j’ai eu peur du bruit des avions, même des bruits d’artifice. »
Article du Dauphiné Libéré du 06 août 2014. Robin Charbonnier.

Vue du pont du Pouzin en juillet 1940 (détruit par le Génie français)
Autre témoignage sur le bombardement du 06 août 1944 au Pouzin.
Ce jour-là, je gardais mon troupeau sur les crêtes des bois de Bressac qui dominent la vallée du Rhône. J’ai vu arriver 50 ou 60 bombardiers avec des chasseurs venant des Coirons. Ils ont tourné vers La Garde-Rompon, ils ont lâché des rubans métalliques su Saint-Cierge-le-Serre puis les bombes sur Le Pouzin d’où je vis délever un nuage de poussière.
Julien Boissier de Saint-Vincent-de-Barrès, rapporté dans le tome III de « Montagnes ardéchoises dans la guerre » de Louis-Frédéric Ducros, page 260.
Le 15 août est une tragique journée : la région du Pouzin est écrasée sous les bombes alliées. Un peu avant 11 heures, Le Pouzin subit un troisième bombardement : 27 bombardiers B17 lancent 80 tonnes de bombes, de 7 000 mètres, visant un dépôt d’essence qui est touché mais poursuivent la destruction de la cité.
Même source, page 308.
Bilan des trois bombardements alliés du Pouzin d’août 1944 : 44 morts, des centaines de blessés dont 8 grièvement, 250 immeubles endommagés dont 161 totalement détruits.

Le Mémorial du Pouzin, sur la route de Privas, installé seulement en 2014 ! Les Américains étaient nos alliés en 1944 !