
Un important document interne au Parti Communiste, clandestin bien entendu, distribué en région parisienne aux militants. Un document de 16 pages que nous allons vous présenter en plusieurs fois tant il est dense.

Sous ce premier titre La situation politique, le Parti se félicite du fait que les Soviétiques aient pu résister cet été 42 à l’offensive allemande sur le front oriental. Hitler n’ayant pu obtenir la victoire, le temps et l’hiver russe qui arrive vont pouvoir renverser la balance des forces.
Malgré les communiqués de « victoire » que lance quotidiennement Goebbels, les peuples occupés et opprimés ont repris courage et de partout les Résistances locales s’attaquent aux Allemands. C’est le cas en Yougoslavie, en Norvège, en Grèce, en Hollande, en Belgique, en Pologne.

Et en France ? Le Parti constate que la propagande des Nazis dans la zone occupée et celle de Vichy, pro-boche dans la zone « libre », ne prennent pas et ont peu d’impact sur la population. Pour exemple, ces « bonnes actions » menées par Von Stulpnagel dans la région de Dieppe après les destructions causées par le débarquement canadien avorté du 19 août précédent: aide de 10 millions pour les sinistrés, libération de prisonniers de guerre de la région pour venir en aide à la reconstruction.
Malgré cela, tous ces efforts demeurent vains. Ils se heurtent à la clairvoyance, au bon sens et au patriotisme de nos populations qui savent que la seule possibilité pour la France de se relever, de retrouver son indépendance et sa grandeur, réside dans l’écrasement d’Hitler, écrasement auquel les Français ont pour devoir de participer.
Pour cela sont cités les soldats de De Gaulle qui ont combattu à Bir-Hakkeim et les détachements des Francs-Tireurs et Partisans qui forment sur le col de la Patrie l’avant-garde armée de la France combattante.
C’est en répétant que la France dans son immense majorité est combattante et résistante que le document essaie de persuader les lecteurs-militants du PC de ce fait, ce qui était bien loin de la réalité à ce moment du conflit.

Car c’est avec la création d’un second front en Europe de l’Ouest, c’est-à-dire en France, que le peuple français basculera de l’attentisme à la lutte contre les occupants. C’est pour cela qu’il faut que les Français, par leurs actions, accélèrent la création de ce second front.
Et les communistes de France, de Grande-Bretagne et des Etats-Unis mènent une propagande vigoureuse pour cette ouverture d’un second front, front qui soulagera l’armée soviétique seule en lutte contre les Nazis au moment de la parution du document… et pour pas mal de temps encore.
C’est ici qu’on voit une divergence entre les mouvements de résistance. Alors que le Parti pense que les actions doivent commencer avant le débarquement allié, il fustige l’attentisme d’autres mouvements qui prônent qu’il n’y a rien à faire tant que le 2ème front n’est pas constitué. Phrase soulignée dans le tract comme quelques lignes plus loin, celle qui exprime la position du Parti, la libération nationale ne peut se séparer de l’insurrection nationale. Tout un programme que défend aussi le général De Gaulle, suivant les écrits qui suivent.

A la suite, une longue explication de ce que doit être l’action des ouvriers et des populations pour sortir de cet attentisme qui ne peut que profiter à l’occupant.
Dans les usines, lutter par des sabotages, par des grèves, par des destructions des moyens de transports pour éviter que les Allemands utilisent les produits de l’industrie française à leur bénéfice.
Dans la société, empêcher que ceux-ci recrutent par la force des ouvriers pour aller travailler en Allemagne, dans les usines d’armement.
Dans les campagnes, empêcher par tous les moyens les réquisitions de nourriture qu’imposent Vichy et les Allemands.
Les femmes ne sont pas oubliées et le Parti les appelle à manifester pour exiger le retour des prisonniers de guerre comme il leur demande de faire comprendre en toute circonstance la haine que leur inspire la présence des occupants.
Le but du Parti est simple: entraîner les masses à l’action contre les oppresseurs et leurs valets.

Cette lutte doit commencer en premier lieu dans les entreprises et il est demandé aux militants communistes d’être toujours à même de sentir ce qu’elles (les masses) pensent, de comprendre leurs besoins, de s’intéresser à leurs revendications y compris les plus terre à terre et les plus minimes. Souligné pour faire comprendre l’importance de ces choses.
Il est donc expressément demandé aux militants communistes de faire preuve de discipline, certes, mais aussi d’esprit d’initiative dans le cadre de la ligne définie par le Parti.

Comment lutter dans les entreprises, 2 moyens suivant le P.C.: les Comités Populaires et les Syndicats.
Le Parti constate qu’en cette période de limitation du droit syndical dans les entreprises (le syndicalisme est interdit par le régime fasciste de Vichy, la doctrine officielle étant le corporatisme), ce sont les Comités Populaires qui doivent mener la lutte. Et dans ce domaine d’encadrement des masses, le Parti en connaît un rayon. Ce sont eux qui sont à l’origine d’une grève des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais qui rassembla 120 000 grévistes !
Bien entendu, les comités Populaires sont interdits et leurs dirigeants sont poursuivis. Aussi ces C.P. doivent être complètement noyés dans la masse et épouser les revendications des ouvriers. Exemple celui des Compteurs de Montrouge. C’est au C.P. d’établir un cahier de doléances qui sera connu de tous. Puis au moment du lancement de l’action, comme en septembre 1941 aux chantiers de Brest, contre l’exécution des otages de Chateaubriant, ce sont les délégués qui se répandent dans les ateliers pour lancer l’action.
Même chose aux chantiers de La Ciotat pour une question salariale, dans une usine de la région parisienne pour une question de représentation ouvrière en mettant à mal l’organisation choisie par le patron qui nomma les délégués sans tenir compte d’élections du personnel. Dans les 2 cas, des victoires ouvrières.
A Five-Lille, même constat de réussite du C.P. malgré les menaces de la police de Vichy et de la Gestapo. La visite de Lehideux, le Commissaire de Vichy à la lutte contre le chômage fut particulièrement agitée.
Contre exemple d’un Comité pas assez efficace face à l’ennemi. Celui de Gnome et Rhône. Aucune action lors de la visite du même Lehideux. Aucune action alors qu’une musique allemande vint divertir les ouvriers dans cette usine. Un Comité pas assez immergé dans le personnel de l’usine !
Pour terminer dans ce domaine de la représentation, le journal résume (sur presque une page toutefois) les 4 règles qui doivent régir un Comité Populaire d’une entreprise:
1-Un C.P. est une organisation de masse clandestine parallèle au syndicat mais pas concurrente.
2-Un C.P. doit être souple et intégré à la masse.
3-Un C.P. doit diffuser son journal interne à l’entreprise.
4-Un C.P. doit aussi populariser son action à l’aide de tracts.
Et sans numérotation, le C.P. doit noyauter les actions en prévoyant tout de sorte que les ouvriers doivent se sentir complètement encadrés. Quant aux revendications, elles doivent s’inspirer des aspirations des ouvriers.
Vaste programme.
A suivre demain, la suite de la lecture de cet important document.
