114 noms de Poilus de Caderousse tombés lors de la Grande Guerre. 114 parcours qu’on va essayer de raconter au fil des semaines et des mois jusqu’au 11 novembre 2018.
Soixante-seizième nom de la liste: Léon Antoine Roger PÉCOUL.

La troisième face du Monument aux Morts.
Léon ne semble pas avoir d’ancêtre commun avec les frères Pécoul dont on vient d’évoquer les vies, en tout cas en remontant jusqu’à leurs bisaïeuls. Ses parents se sont unis à Caderousse le 10 septembre 1873: Joseph Pécoul né en 1841 à Caderousse a pris pour épouse Marie Marguerite Millet, Caderoussienne de treize ans plus jeune que lui. Bizarrement, aucun enfant ne va naître de cette union pendant sept ans, jusqu’en 1880.
A partir de cette date, la grange de la Masclarde va retentir de cris d’enfants de façon continue pendant presque un quart de siècle. De pleurs d’adultes également car, sur les neuf naissances qu’on va évoquer, trois nouveaux-nés vont mourir jeunes: l’aîné Julien François Joseph né en 1880 ne va vivre qu’un peu plus de trois mois, la première fille Rose Marguerite Antoinette née en 1889 va décéder à 14 mois et la seconde Julie Augustine Hélène ne va guère plus avoir de chance que sa soeur en décédant seize mois après sa naissance en 1893.
C’est pour cela que sur la page du recensement de 1896, au quartier « chemin d’Orange », on ne retrouve qu’une fratrie exclusivement masculine:

Dans l’ordre, Jules ( Jules Pierre pour être précis) né en 1882, Marius (Casimir Louis en fait) en 1885, Louis (Marius Joseph ici, l’agent recenseur s’est un peu pris les pieds dans le tapis !) en 1886, Léon (Léon Antoine Roger) le Poilu qui nous intéresse, né en 1890 et enfin Ferdinand (Joseph Ferdinand Ludovic) en 1895.
Pas de fille donc ? Si, une petite Marguerite Louise Augustine viendra au monde le 18 novembre 1897 mais après ce recensement de 1896. Les Pécoul bénéficieront d’ailleurs une longévité de vie assez importante, Casimir Louis vivant jusqu’en 1980, Marius Joseph « Louis » jusqu’en 1971 et Marguerite jusqu’en 1974.
Tous les frères vont travailler la terre, dans la famille ou en mettant leurs bras au service des autres. A l’exception de l’aîné Jules réformé pour son service comme pour la guerre pour rhumatisme articulaire chronique, l’Armée va venir perturber le petit ordonnancement familial. Certes la famille ne va pas connaître la catastrophe connue par les autres Pécoul caderoussiens qu’on a narrée mais les blessures des frères et la mort de Léon vont marquer les années 10 du XXème siècle.
Jules va donc être réformé en 1902 pour rhumatisme et Casimir va connaître le même sort en 1905 pour tuberculose pulmonaire. Marius va servir deux ans au 163ème R.I. de 1907 à 1909 à Corte, Léon deux ans du 09 octobre 1911 au 08 novembre 1913 au 6ème Bataillon de Chasseurs à Pied à Nice. Des destinations touristiques pour les deux frères.
Quand la guerre éclate, Léon et Marius vont être rappelés sous les drapeaux, Léon chez les Chasseurs à Nice et Marius au 58ème R.I. d’Avignon. Le 6ème B.C.P. de Léon va guerroyer en Lorraine allemande, du côté de Lagarde et de Dieuze en août, puis de Luneville en septembre pour se retrouver en Argonne en octobre 1914. Le bataillon tient le front à l’est de Vauquois en alternance avec le 24ème B.C.P., en prenant des repos à Récicourt.

C’est en effet juste avant la relève du 26 octobre 1914 qu’un bombardement frappe l’unité un jour de calme relatif, le 25 octobre… comme on peut le lire dans le Journal de Marche ci-dessous.

Le 25 octobre 1914, les hommes renforcent leurs tranchées ou construisent des sapes, des galeries pour déposer des mines sous les tranchées allemandes. Vauquois n’est pas très loin de là et on est en pleine période de la guerre des mines. La routine en quelque sorte. Puis, vers onze heures, des obus allemands tombent sur la tranchée tenue par la 4ème Compagnie. Un lieutenant et cinq hommes du rang vont être tués par ce tir inattendu. Parmi eux, Léon Pécoul tué quelques jours avant son vingt-troisième anniversaire.
Mais la guerre n’est pas finie pour autant pour les trois autres frères Pécoul valides, oui, les trois car Casimir Louis, le « tuberculeux » de 1905 est reconnu bon pour le service et envoyé au 24ème B.C.P. début 1915. Entre temps, en décembre 1914, c’est Ferdinand le benjamin qui est appelé lui aussi au 24ème B.C.P. Décidément Pécoul rime avec Chasseur !
Les trois frères vont connaître des sorts parallèles. Ils survivront à la guerre mais seront tous les trois meurtris dans leurs chairs. C’est tout d’abord Ferdinand qui sera blessé deux fois en l’espace de huit mois en 1915, à l’Hartmannswillerkopf, la « Montagne mangeuse d’hommes » en Alsace, le 21 avril par un éclat d’obus à la tête puis le 24 décembre par un éclat dans le dos non loin du cou. Après cela, il sera retiré des Armées pour terminer la guerre en service auxiliaire.
L’année 1916 sera l’année noire pour Casimir Marius, une balle allemande le blessant gravement à la main gauche le 12 septembre. Des problèmes de préhension l’emmèneront loin du front dans des services auxiliaires.
Restait Marius Joseph dans les Armées, appellation officielle pour dire qu’on est trop front. Début 1917, il est blessé à Douaumont le 22 janvier par un éclat de grenade à la tête. Soigné, guéri et renvoyé à la guerre, il subit une autre blessure plus grave à Champeroux le 22 décembre de la même année 1917. Lors d’une attaque, il se pique sur un fil de fer barbelé et sa blessure s’infectera au point de lui faire perdre la flexion des doigts et du poignet gauche. Retour en caserne pour Marius en service auxiliaire, à son tour.
Si bien qu’en 1918, plus aucun membre de la fratrie des Pécoul de la Masclarde ne sera exposé à la mort sur un front de la Grande Guerre. Mais tous estropiés pour le reste de leurs existences.

La fiche matricule de Léon Antoine Roger Pécoul de Mémoire des Hommes.
Léon Antoine Roger Pécoul, matricule 984 de la classe 1910, bureau de recrutement d’Avignon, pour ceux qui souhaitent aller consulter sa fiche matricule sur le site des Archives du Vaucluse. Le patronyme Pécoul est encore bien présent sur Caderousse et Orange. Si quelqu’un reconnaît en Léon Antoine Roger un ascendant indirect, qu’il n’hésite pas à se manifester pour compléter cette petite biographie.
A suivre: Joseph Augustin Pelin.
Matricules militaires des autres Pécoul, tous appelés à Avignon: Casimir Louis: 412 (classe 1905); Marius Joseph: 323 (classe 1906) et Joseph Ferdinand Ludovic: 873 (classe 1915).