Pour la première fois en 1974, le Tour abordait le Ventoux par la troisième route qui permet d’y accéder: la route de Sault.
Le Ventoux n’était pas le terme de cette étape Savines-le-Lac-Orange puisqu’un fois passé au sommet restait un long rallye de 70 km pour rejoindre la vallée du Rhône et Orange. Comme on peut s’en douter, les cracks avaient un petit doute de l’utilité de se lancer dans la bagarre aussi loin du but, surtout que le mistral soufflait fort dans la plaine ne favorisant pas vraiment un homme seul qui allait le subir de côté.
De plus, la montée par Sault du Géant de Provence est de loin la plus facile puisque la pente est relativement douce jusqu’au Chalet Reynard, l’ascension se résumant alors aux 6 derniers kilomètres, certes fort rudes, quand le décor devient lunaire!
Le rédacteur du Miroir du Cyclisme
marque bien son dépit avec ce titre résumant l’après-midi…
Spruyt étant le coéquipier d’Eddy Merckx, plutôt un sprinter, vainqueur de ses quelques compagnons d’échappée à Orange.
Pourtant, dans le final du Ventoux, les meilleurs sont là, et bien là.
Dans l’ordre Merckx, Poulidor alerte jeune homme de 38 ans, Delisle et Galdos qui ne s’amusent pas en chemin. Seul un autre espagnol…
Aja a eu la permission de sortir pour récolter les points du Grand Prix de la Montagne. Dans la descente puis le plat, beaucoup de coureurs lâchés dans la montée revinrent et de ce peloton, un petit groupe se détacha sur la fin…
groupe composé de Raymond Riotte, Galdos, Janssens, Fedor Den Hartog et le fameux Spruyt…
qui s’imposa au sprint du côté de Passadoire, je pense (quartier de la foire d’Orange).
Le peloton plutôt imposant après le passage d’un sommet tel que le Ventoux dans l’après-midi fut réglé…
par le Français Jacques Esclassan précédent de peu Cyrille Guimard.
Sur le podium, le triomphe des Molteni est total avec l’étape pour Spruyt et le jaune pour Merckx. Le sourire du Cannibale sera beaucoup moins large quelques jours plus tard, dans les Pyrénées, après l’extraordinaire victoire de Raymond Poulidor du côté de Saint-Lary-Soulan, au Pla d’Adet. Mais pour l’important public dont je faisais partie sur les pentes du Ventoux, venu encore une fois avec Raymond Deux de Meysse, le spectacle n’avait pas été à la hauteur et la montagne avait bien accouché d’une souris Spruyt.
Le classement de cette étape Savines-le-Lac-Orange.
Surtout que des tracts distribués par des écologistes- anti-nucléaires- anti-militaristes informaient le public de leurs craintes de voir à l’avenir le Mont-Ventoux boudé par le Tour à cause de l’installation des silos nucléaires près de sommet, silos que l’on découvre à l’arrière des champions sur cette photo de la course.
Depuis que le Général de Gaulle avait décidé dans les années 60 que la France serait dotée de l’arme atomique, le plateau d’Albion, à l’est du Ventoux, était devenu le coeur de la dissuasion nucléaire française. Des missiles y étaient pointés bien entendu vers l’Union Soviétique. Les militants avaient partiellement raison puisque dans le quart de siècle qui suivit, le Tour ne revint que 2 fois sur les pentes du Géant de Provence alors que dans les 23 ans précédents, il avait été programmé 9 fois.
Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’était la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement du communisme, rendant d’un seul coup le très dépensier plateau d’Albion, totalement inutile et obsolète. L’Armée quitta donc les lieux entourés de manifestants le déplorant, bien souvent les mêmes qui s’étaient opposés à son arrivée, 30 ans auparavant. Au XXIème siècle, sur un Ventoux démilitarisé, le Tour est déjà revenu 4 fois !
Un Monde de Papiers 