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L’ÉMEUTE du 6 FÉVRIER 1934 relatée dans le MIROIR DU MONDE… (2/2)

du 17 février 1934.

(voir article de ce blog du 25 octobre 2015:

https://unmondedepapiers.com/2015/10/25/lemeute-du-6-fevrier-1934-relatee-dans-le-miroir-du-monde-12/

et du 17 mars 2015

https://unmondedepapiers.com/2015/03/17/une-lettre-dun-etudiant-parisien-relatant-le-6-fevrier-1934/  )

Ce coup-ci, la revue a pris la mesure de l’événement et y consacre sa une et 10 pages. Pour souligner la gravité de la situation…

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trois bandes tricolores descendent à gauche de la page. On croirait un numéro souvenir du Tour de France de But et Club-Le Miroir des Sports des années 50. On y voit Gaston Doumergue rencontrer la presse après la constitution de son nouveau gouvernement, l’ancien dirigé par Edouard Daladier ayant sauté après la nuit terrible.

Le gouvernement Doumergue au complet.

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On y retrouve des noms connus comme celui d’Edouard Herriot mais aussi Pierre Laval et le Maréchal Pétain qui se distingueront plus tard sous l’Occupation. On voit d’ailleurs le Maréchal Pétain féliciter les Gardes Mobiles pour leur travail de maintien de l’ordre…

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en tant que nouveau Ministre de la Guerre.

L’Assemblée Nationale est protégée par la Gendarmerie à cheval qui barre la place de la Concorde…

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malgré les badauds qui viennent chercher à voir des traces des affrontements:

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Badauds qui s’arrêtent aussi pour lire les affiches placardées par la Préfecture de Police de Paris…

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interdisant les rassemblements.

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Malgré cela, il y eut des mouvements de foules, comme celle pour accueillir le nouveau président du Conseil Gaston Doumergue, devant la gare de Lyon semble-t-il…

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ou devant la Bourse le jour de la grève générale de protestation déclenchée par les forces syndicales et politiques de gauche.

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Des forces de gauche qui manifestèrent aussi en masse pour défendre la République menacée et dont l’unité retrouvée depuis la rupture au congrès de Tours fut la première pierre de ce qui deviendra 2 ans plus tard le Front Populaire:

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En masses serrées, les sections grévistes se mettent en mouvement.

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Des membres de l’Union des Chauffeurs de Taxis défilent, bannières en tête.

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Les Communistes ont attaché un drapeau rouge et apposé leurs pancartes sur une statue de la place de la Nation.

(Note: Les 3 commentaires ci-dessus sont ceux de la revue)

C’est le temps aussi de panser les plaies et faire disparaître les traces de la nuit sanglante. Des vitrines de café ont souffert et attentent des devantures neuves…

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les électriciens réparent les lampadaires…

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et d’autres, les plots lumineux au sol.

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C’est aussi le temps du recueillement et des obsèques des victimes du 6 Février:

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celles de Raymond Rossignol, un ancien combattant, dont on lit sur le site du mouvement d’Extrême Droite l’Action Française (http://www.actionfrancaise.net/craf/?6-fevrier-1934-A-NOS-MORTS-pour-la) ce commentaire:

37 ans, industriel, ancien combattant, membre des Jeunesses patriotes, officier de réserve de cavalerie, marié, père d’un enfant de 12 ans, tué d’une balle de révolver en pleine tête devant le pont de la Concorde.

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celles de René-Alain Pieuzat dont on lit sur le même site:

29 ans, frère du champion cycliste, n’appartenant à aucune association politique. Un champion cycliste Georges Pieuzat qui courut de 1933 à 1946 et que l’on voit au milieu derrière le char funèbre.

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celles de Georges Roubaudi:

36 ans, industriel, directeur d’une grande maison d’importation et d’exportation de soierie occupant 200 ouvriers, ancien combattant, engagé volontaire à 17 ans, croix de guerre avec deux citations, marié et père de trois enfants dont l’aîné n’avait pas 6ans. Ligueur d’Action française et membre de l’Association Marius Plateau.

Le site de l’Action Française liste 22 « Morts pour la France » (appelation partisane non officielle bien entendu) cette nuit-là et dans les jours qui suivirent. 3 appartenaient à l’Action Française, 2 à Solidarité Française, 2 aux Jeunesses Patriotiques, 3 à des Associations d’Anciens Combattants, 2 aux Camelots du Roy, 1 à l’Association des Décorés de la Légion d’Honneur et 8 à aucune association. On n’est pas loin des chiffres officiels mais l’Action Française de 2015 comptabilise des morts survenues bien après les incidents. Par contre, elle ne cite pas le garde républicain Flandre tué en service commandé lui, à défaut d’être « mort pour (sauver) la République ».

Pour que son lectorat se retrouve dans toutes les associations qui manifestèrent le 6 Février ou se dressèrent après les émeutes pour défendre la République, le Miroir du Monde propose 3 pages pédagogiques:

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La CGT, la CGTU, le CFTC, la Fédération des Contribuables de la Seine.

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L’UNC (Union Nationale des Combattants), les Croix de Feu du Colonel de la Rocque.

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L’Action Française de Charles Maurras, les Jeunesses Patriotiques, les Francistes, ces 4 dernières associations se retrouveront 6 ans plus tard pour leur soutien au Régime de Vichy.

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L’ÉMEUTE du 6 FÉVRIER 1934 relatée dans le MIROIR DU MONDE… (1/2)

du 10 février 1934.

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On avait déjà parlé de cette émeute provoquée par les Ligues et certaines Associations d’Anciens Combattants pour protester contre la classe politique salie par l’affaire Stavisky dans un article de ce blog paru le 17 mars 2015 et qui reproduisait une lettre d’un étudiant parisien pris dans la tourmente:

https://unmondedepapiers.com/2015/03/17/une-lettre-dun-etudiant-parisien-relatant-le-6-fevrier-1934/

Cette nuit-là, la République avait vacillé car, même si une partie des manifestants n’était là que pour clamer son indignation, une autre partie plus virulente voulait investir le Palais Bourbon et mettre à bas la « gueuse ». Les groupes royalistes voyaient une occasion de rétablir le Roi sur le trône, d’autres groupes fascisants rêvaient d’un pouvoir fort à la Mussolini ou à la Hitler.

Le magazine hebdomadaire réagit rapidement à l’actualité, il ne changea pas sa une consacrée à une comédie de l’époque mais présenta 3 pages sur cet événement considérable…

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 Une vue impressionnante de la Place de la Madeleine et des Grands Boulevards pendant l’émeute.

…titré ainsi. Il est certain que l’action des forces de l’ordre fut très violente et s’abattit aussi sur des manifestants pacifiques…

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Les anciens combattants, précédés de leurs drapeaux, défilent place de la Concorde.

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Autour des barricades formées de bancs

renversés, de grilles d’arbres, de socles de fonte, la foule s’amasse place de la Concorde.

…mais certains groupes étaient là pour en découdre comme on peut le voir ci-dessous:

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Des jeunes gens préparent leur attaque en se munissant de projectiles.

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Boulevard de Sébastopol, des émeutiers démolissent un kiosque à journaux.

La Police charge…

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Une charge des agents.

et des manifestants tombent.

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Un blessé, étendu à terre, victime d’un coup de matraque, se tient la tête à deux mains.

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Couvert de sang, un manifestant laissé pour mort place de la Concorde, après une charge des Gardes Municipaux.

Les pompiers interviennent pour éteindre les incendies allumés par les manifestants et auront eux aussi leur lot de victimes.

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Un autobus, incendié par les manifestants, achève de brûler place de la Concorde.

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Une camionnette en flammes boulevard de Sébastopol.

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Les pompiers inondent les débris fumants d’une voiture i incendiée.

Les commentaires des photos sont ceux des journalistes de l’époque, assez neutres pour l’occasion. Les photos viennent des agences Keystone, New-York Times, Associated Press et 3 du titre (la charge des agents, les jeunes s’armant et la dernière photo des pompiers).

à suivre pour voir le numéro suivant du Miroir du Monde…

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Une LETTRE d’un ÉTUDIANT PARISIEN relatant l’EMEUTE du 6 FÉVRIER 1934…

… le jour où la République vacilla !

Il écrit de SAMSUNG CAMERA PICTURES soit le lendemain des événements. Il ne s’agit pas réellement d’une lettre mais plutôt d’une copie d’une lettre envoyée à un ami faisant du ski à la montagne et dont il dit plaindre son attitude loin de ce qui fait l’actualité en février 1934.

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Ce qui lui permet ce jeu de mot qu’il juge déplorable: je ne désire nullement goûter aux joies du ski: les joies du Stavisky me suffisent. En référence à cette affaire Stavisky, ce scandale politico-financier-crapuleux dont l’Extrême Droite et les Ligues d’Anciens Combattants s’emparèrent pour essayer de mettre à bas la Gueuse.

Voici les moments de la manifestation qu’il décrit en détail, se sentant proche de ce mouvement. Après tout, l’A.R.A.C. dont on parlera dans quelques jours, proche du P.C.F. appela à manifester également le 6 février aux côtés de l’U.N.C. très marquée à droite. La solidarité des tranchées…

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Devant cet acte révoltant les organisations se soulevèrent. Une grande manifestation fut prévue pour le mardi, jour où le ministère se présentait devant la Chambre, manifestation organisée par les Anciens Combattants, les Jeunesses patriotiques, les contribuables, l’Action Française; les élus municipaux firent appel à la population. Le départ du Préfet fut l’objet d’une manifestation spontanée de tout le personnel de la Préfecture et des Parisiens. 

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Le mardi à 6 heures (lire 18 heures) je suis allé sur les boulevards: place de l’Opéra, la foule stationnait, attendant. Tous les carrefours étaient noirs de monde. Boulevard Sébastopol, la manifestation avait commencé: les bancs, les arbres, les baraques, les grilles des arbres étaient traînés au milieu de la rue, formant des barricades. Au Châtelet, les gardes à cheval nous chargèrent sans parvenir à disperser la foule qui hurlait en choeur.

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A 10h30 (22H30), je suis ressorti, allant vers la Madeleine. La foule formait des groupes et j’appris, sans vouloir y croire que les Gardes Mobiles avaient tiré sur elle. Boulevard Malherbes, il y avait trois bûchers qui flambaient. On emmenait des blessés vers les voitures particulières (nous sommes en pleine grève des taxis depuis 8 jours). La foule les acclamait et hurlait « Assassins » à l’adresse des Gardes Mobiles massés silencieusement devant la Madeleine. A ce moment, les Anciens Combattants arrivaient par la rue Royale venant de la Concorde.

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Trois drapeaux étaient en tête, l’un des porte-drapeau avait un pansement sanglant sur la tête. Nous marchâmes vers l’Opéra (une foule de 50 000 personnes envahit le Matin) en chantant la Marseillaise et le Ça Ira, aux cris de « Démission », Daladier assassin », « Daladier au poteau ». Un barrage d’agents qui barrait les boulevards, place de l’Opéra, s’ouvrit spontanément cependant que nous criions « Vive Chiappe » et « La Police avec nous ». Si elle n’était pas avec nous, en tout cas, elle n’a pas été contre nous et son attitude pendant l’émeute a fortifié sa popularité. Nous allâmes ainsi jusqu’à la République, puis nous fîmes demi-tour vers la Chambre.

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Tous les barrages d’agents s’ouvrirent et nous regardèrent passer sans intervenir. Mais la Garde Républicaine (à cheval) était en place à la Concorde et chargea aussitôt; les manifestants se désunirent mais avancèrent, repoussant les gardes . Contre les charges suivantes, les gens se réfugiaient dans les bassin de la place (ils étaient à sec). La charge se faisait d’un côté; les manifestants cavalaient de l’autre et lançaient sur les gardes des pierres et des morceaux de bitume. Le service d’ordre fut repoussé jusqu’au pont. C’est à ce moment que l’on entendit des coups de feu, les chevaux s’étant brusquement écartés.

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J’étais alors sur le pont, sur le côté droit, le long du mur qui qui borde la Seine que les manifestants enjambaient pour se mettre à l’abrides charges quand elles arrivaient. Il n’y avait pas eu de sommations (il paraît qu’il en avait été faites lors du premier assaut mené par les Croix de Feu, drapeau en tête, vers 8h30-22h30) et il était alors 11h30 (23h30). Personne ne comprit ce qui se passait. On disait « Ils tirent à blanc » néanmoins tout le monde refluait, courbé, presque à quatre pattes, …

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le long du mur. C’est à ce moment qu’on vit tomber une femme, une balle dans la cuisse. Plus loin, il y avait d’autres formes  à terre. Les gens serraient les poings de rageet d’indignation, s’ils avaient été armés, le service d’ordre eut été instantanément balayé, les gardes mobiles jetés à la Seine. Impuissants, les manifestants restaient sur la place. Deux carcasses d’autobus achevaient de flamber. Devant les Tuileries se tenait l’Infanterie Coloniale(et Frot avait démenti qu’un appel ait été fait aux troupes). Il était minuit dix, je quittais la place. Chiappe n’avait pas une goutte de sang sur les mains, pour ses débuts, Frot et Bonnefoy-Sibour en avaient les mains couvertes.

La narration s’arrête là. Les Ligues fascistes n’étaient pas parvenues à prendre le Palais Bourbon et faire tomber la République. Ce que n’a pas vu l’auteur du texte, ce sont les cannes des Anciens Combattants munies de rasoir à leur extrémité pour couper les jarrets des chevaux et faire chuter les gardes républicains. Le bilan de l’émeute fut de 14 à 16 morts chez les manifestants et 657 blessés. Dans les rangs des forces de l’ordre, on releva 1 mort et 1 664 blessés (policiers, sapeurs pompiers, gardes mobiles, Gardes Républicains, gendarmes).

Les conséquences du 6 février 1934: la mise en place d’un gouvernement d’Unité Nationale proposé par Daladier. Puis, face à la menace fasciste, le début de l’union des forces de gauche qui aboutit à l’élection d’un gouvernement de Front Populaire 2 ans plus tard.
Quant à l’auteur de ces lignes, ces errances de jeunesse prient certainement fin avec cette élection puisqu’on le retrouvera responsable d’un cellule du Parti Communiste et plus tard, en août 1944, un des responsables de l’Insurrection  Nationale pour libérer Paris du joug nazi. Ce sont les tracts et journaux clandestins qu’il a soigneusement gardés datant des années 1942 et 1944 qui seront bientôt présentés.

A noter Frot est le ministre de l’Intérieur le jour de l’émeute; Chiappe le Préfet de Paris démissionné et Bonnefoy-Sibour le nouveau Préfet.

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