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ANCONE et le RHÔNE, une cohabitation difficile: les cartes géographiques racontent aussi cette histoire (7/7)

Septième et dernier volet de ces articles écrits par nos soins et parus initialement dans Ancone Culture et Patrimoine, le blog…

De la carte de Cassini à la carte IGN actuelle, on va pouvoir suivre cette évolution géographique du cours du Rhône au niveau de la commune d’Ancone et son déplacement qui impacta forcément la vie des gens. N’oublions pas qu’Ancone était une halte à la remonte pour les équipages à l‘époque de hallage, qu’elle devint le port de Montélimar à une époque… avant d’être éloignée du fleuve par la Lône puis par les digues de la CNR.

La carte de Cassini de 1772

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  Sur cette carte de Cassini, on y lit plusieurs informations intéressantes :

  • Le cours du Rhosne principal baigne Anconne alors qu’un cours secondaire, un petit Rhône longe les rives du Royaume.
  • De très nombreuses îles jalonnent ce cours principal, avec une grande île, l’Île Blanc proche de la rive droite.
  • Sur l’une d’elle, on voit un château en ruines, à quelques encablures d’Ancone.
  • La limite entre Royaume et Empire, entre Rochemaure et Ancone passe loin de la ville, au milieu du fleuve, preuve d’un modification ultérieure, rapprochant cette « frontière » de notre village.

  La comparaison avec la carte IGN 1/50 000ème éditée en 1954 juste avant les travaux  de la CNR est édifiante.

Carte IGN 1/50 000ème 1922-1954

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  On constate :

  • Le cours principal du Rhône passe près de la rive ardéchoise et Ancone n’est baigné que d’une petite Lône et d’une grande Lône, coupée par des empierrements.
  • Des îles ou presqu’îles existent encore près de la rive gauche : Île Blanc entre petite et grande Lône, île aux dames entre grande Lône et Rhône principal.
  • La limite entre Ardèche et Drôme, entre Rochemaure et Ancone passe tout près de la ville, preuve d’une modification datant de la fin du XVIIIème siècle.

Ceci est corroboré par le tracé de la carte de marinier datant de 1932, au niveau d’Ancone-Rochemaure.

ANCONE

  C’est entre ses épis proches du pont de Rochemaure que se trouvait l’ancien centre nautique Rodia dont on verra reparlera.

  Cette carte est extraite de ce rouleau de marinier…

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long de 10 mètres et décrivant le tracé idéal de navigation de Valence à Arles aux conducteurs de bateaux.

  Entre les 2 époques, une carte d’Etat-Major éditée en 1890 nous indique les raisons de cette transformation du fleuve.

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Carte d’Etat-Major levée en 1866 et éditée en 1890

  Des digues au milieu du Rhône forcent l’eau à passer le long de la rive droite, détournant le cours principal du fleuve d’Ancone mais détruisant son activité économique liée à celui-ci. Entre temps, le port de Montélimar, proche du pont du Teil est entré en service.

  Voici pour finir, cette comparaison que nous avons présenté entre l’Ancone actuel et le tracé datant de la carte de Cassini sur le transparent, en bleu.

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Un paysage complètement bouleversé !

EN GUISE DE CONCLUSION DE CETTE SERIE D’ARTICLES PARLANT DU PASSE DES RELATIONS TUMULTUEUSES ANCONE-RHÔNE…

  Ces crues dramatiques pourraient-elles se reproduire ? une question qui vient à l’esprit immédiatement.

  Jacques Bethemont pense que la crue du 12 novembre 1548 était bien supérieure à celles dont nous avons parlé. Maurice Pardé prévoit que la crue millénaire atteindra 16 000 m3/s à Beaucaire alors que le débit du fleuve en 1856 était « seulement » de 11 640 m3/s !  Soit un mur d’eau de 1m d’épaisseur, 16 m de haut pour 1km de large et cela toutes les secondes ! Rien n’y résisterait.

  Les aménagements modernes de la CNR ont permis à l’homme de retrouver une relation plus apaisée avec le fleuve, qui continue par moment de poser problème par endroits (1993, 2003). Une mise au pas du Rhône qui a aussi eu pour conséquence le bouleversement paysager de la vallée du Rhône, la destruction d’espaces qui seraient de nos jours protégés, une incidence sur la faune aquatique et riveraine, que les efforts actuels de la CNR en matière d’écologie comme la création de la ViaRhôna ou celles de passes à poissons ne font pas oublier. Ce qui a été fait entre 1947 et 1980 ne serait plus possible de nos jours.

  Il n’empêche que les spécialistes envisagent que le pire est toujours à venir. La présence de nombreux sites sensibles proches du cours du Rhône fait redouter qu’une crue millénaire pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour la vallée du Rhône, un Fukushima à la Rhodanienne. Ajoutons à cela des risques sismiques et pourquoi pas terroristes et, à trop y penser, la vie en vallée du Rhône deviendrait bien vite très anxiogène.

 

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ANCONE et le RHÔNE, une cohabitation difficile: les cahiers de doléances (1/7)

Premier article rédigé par mes soins, premier d’une série de 7, parus dans le blog: Ancone Culture et Patrimoine…, suite à l’exposition des Journées Européennes du Patrimoine 2015 sur le thème: « Ancone et le Rhône pour le meilleur et pour le pire ».

On a déjà parlé en quelques occasions d’Anfos Martin et un de ses livres « Vieux écrits ».

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Dans ce livre, il consacre un article aux doléances des Anconnais envoyées à Necker, le ministre de Louis XVI, à la veille de la Révolution. Et les Anconnais se plaignaient du Rhône et des misères qu’il leur avait occasionné, il y a peu. Voici ce qu’écrivait en 1928 l’érudit (en majuscules ses propos et commentaires, en italique les écrits des Anconnais en 1789).

LE VILLAGE D’ANCONE A SOUVENT ÉTÉ MENACÉ DE DESTRUCTION PAR LES INONDATIONS DU RHÔNE. EN 1755, IL FUT COUPÉ ET EMPORTÉ EN PARTIE. EN 1789, DANS LA NUIT DU 14 JANVIER, IL FUT ENCORE À MOITIÉ DÉTRUIT. VOICI QUELQUES EXTRAITS DES DOLÉANCES QUE LES HABITANTS ADRESSÈRENT ALORS À NECKER QUI ÉTAIT MINISTRE.

La rigueur extraordinaire de cet hiver ayant formé dans le fleuve des glaces d’une épaisseur énorme, celles-ci, en fondant, ont causé un effroyable déluge. A la mi-janvier, le vent se mit à souffler avec violence : les glaces se brisèrent et la pluie fit monter les eaux du Rhône à une très grande hauteur. C’est dans la nuit du 14 qu’eurent lieu nos lamentables désastres.

En fermant nos portes, nous n’avions rien aperçu d’alarmant, mais quelques heures plus tard, au milieu de l’obscurité profonde, on entendit soudain un bruit extraordinaire causé par la débâcle des glaces, et des cris : « Au secours, au secours ! » retentirent aussitôt. L’eau avait envahi le rez-de-chaussée des maisons et le bétail bêlait, mugissait d’effroi. On se lève à la hâte, on prend sur ses épaules les enfants et les vieillards, les malades et les infirmes ; on veut fuir et les sauver… mais il n’y a pas d’issues ; toute la plaine environnante est couverte de plus de quatre pieds d’eau et le Rhône de plus en plus menaçant coupe le village en deux, emporte les maisons et menace celles où nous attendons la mort ! Qui pourrait décrire l’angoisse de cette nuit terrible !

Une lueur de salut ne commence à briller pour nous que le lendemain vers midi ; mais quel affreux spectacle, nous présentent alors nos arbres déracinés ou coupés par les glaces, nos semences perdues, nos terres ravinées et corrodées, nos bestiaux morts et nos maisons en ruines ! Vienne une crue même ordinaire et notre village sera détruit !

CETTE DESCRIPTION ÉMOUVANTE DONNE UNE IDÉE EXACTE DE TOUS LES MALHEURS D’ANCONE DEPUIS SA FONDATION. POUR PRÉVENIR CES MALHEURS, IL A FALLU REFOULER LE FLEUVE PEU À PEU, À L’AIDE DE DIGUES, VERS LA RIVE OPPOSÉE QUI EST HAUTE ET ROCHEUSE. CE TRAVAIL A ÉTÉ LONG ET COÛTEUX : IL EST À PEU PRÈS TERMINÉ ET LES GENS D’ANCONE PEUVENT MAINTENANT DORMIR TRANQUILLES.

Deux commentaires à ces propos:

1-Sur la nature de cette crue de janvier 1789. Il s’agit d’un épisode original, une crue soudaine due à la débâcle des glaces suite à une période de froid intense (le Rhône pris par les glaces !) doublée de pluies abondantes marquant ce redoux. Elle n’en a pas été moins destructrice. Ce qui a entraîné la colère des villageois et leur détresse. A noter que le pied (l’unité de mesure) faisant environ entre 30 et 32 centimètres, l’eau était montée de 1,20 à 1,28 mètre cette nuit-là, en quelques instants.

2-Dans la conclusion de ce bref extrait, Anfos Martin parle de la modification du cours du Rhône et des travaux entrepris au XIXème siècle pour l’éloigner d’Ancone. Nous en parlerons dans un prochain article, cartes à l’appui !

A suivre:

Ancone et le Rhône, une cohabitation difficile: la crue de 1840… en direct ou presque ! (2/7)

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