Suite de l’article précédent…
Dans le livret militaire d’Adrien avait été ajouté, tenu par des agrafes parisiennes, un document de 4 pages, ce Fascicule de Mobilisation:
dans lequel il est expliqué les modalités pour rejoindre son unité le jour où la funeste affichette de Mobilisation sera apposée sur tous les murs de France.
Ainsi, le 3 août 1914 (ou le 4, le mobilisé avait 24 heures pour réagir), au moment où il aurait dû moissonner ses champs, Adrien prit le PLM en gare de Bédarrides pour rejoindre le 118ème Régiment Territorial en Avignon.
Les régiments territoriaux étaient occupés pour des tâches de seconde ligne ou à la défense des forts mais devant les pertes subies, on les rapprocha des premières lignes.
C’est au fort de la Pompelle, dévoué à la défense de Reims qu’Adrien fut au plus près des lignes ennemis.
Ci-dessus une vue prise depuis le fort où le paysage est lunaire après les combats et la couverture d’un carnet de cartes postales édité après le conflit.
Pour l’épisode du 20 octobre 1920, le carnet ne dit plus rien, pas le temps d’écrire quoi que ce soit. Par contre, très émouvant, ce petit bout de papier qui dût accompagner Adrien lors de son transfert vers l’arrière, vers l’ambulance militaire, pendant son agonie.
Cet hôpital militaire était situé à Damery dans la Marne, au sud-ouest de Reims, où Adrien rendit l’âme le 21 octobre, il y a 99 ans aujourd’hui. A la 5ème ligne du billet, se lit un petit mot gaz. Il devait s’agir d’un lâché d’un nuage de chlore par les Allemands , nuage poussé par un vent d’est sur les lignes françaises qui dût causer de nombreuses pertes dans les rangs des soldats français dépourvus de masques à gaz, inexistants en 1915. Ce qui est faux à la lecture du livre suivant sur Emile Sauvage, un Poilu caderoussier (de naissance) et sorguais (d’adoption), paru chez Elan Sud, une maison d’édition orangeoise, que m’a indiqué Jean-Paul Masse de Caderousse:
Dans ce livre illustré de photos du 118ème RIT, on voit ceci:
et on peut lire en légende:
Les soldats étaient bien équipés de masques rudimentaires. Encore fallait-il correctement le positionner, bien l’imbiber -après avoir trouvé l’officier porteur du produit- et la protection n’était pas garantie à 100%… pour preuve les décès d’Adrien et d’Emile le même jour pour les mêmes causes…
voir Petite radioscopie du Monuments aux Morts de la Grande Guerre de Caderousse (Vaucluse)… paru le 11/11/2014.
Le corps d’Adrien fut inhumé dans ce village. C’est Séraphin, son fils ainé (lui- aussi mobilisé en 1916 -on verra plus tard), qui, par ses relations, put obtenir la photo de la tombe de son père (la croix de droite).
En effet, Séraphin qui étudiait au petit séminaire d’Avignon, écrivit au curé de Damery. Celui-ci lui envoya ce cliché, un peu passé maintenant, accompagné d’une lettre pour sa mère.
En quelques mots, le prêtre rassure qu’il ne risque pas d’y avoir erreur de tombe quand viendra le moment du retour de la dépouille d’Adrien à Caderousse, le cimetière étant bien surveillé et les tombes clairement identifiées et que pour l’instant le front se trouvant à 20 ou 30km de là, les bombardements ne peuvent pas l’atteindre. Il parle des « aéros » qui présentent un danger mais « viseront surtout la gare… qui est loin du cimetière ». Damery ne connaîtra jamais la ligne de front.
Voici la page qui lui est consacrée sur le site internet des Archives du Ministère de la Défense géré par le service du fort de Vincennes.
Quelque temps après, Léonie, la veuve d’Adrien, reçut ce rouleau cartonné…
contenant un diplôme officiel.
En dessous de la Marseillaise de Rude de l’Arc-de-Triomphe de l’Etoile,
le texte rappelait le sacrifice d’Adrien
et l’Hommage de la Nation.
Adrien laissait derrière lui Léonie, 3 enfants Séraphin, Gabriel et Léonce et ne connut pas ses petits-enfants Georgette, Adrien et André. La tombe familiale du cimetière de Caderousse porte son nom.
Au moment de sa mort, il avait l’honneur et la malchance d’être « le doyen » des morts pour la France du Vaucluse, comme l’atteste ce petit article paru dans le Petit Provençal de l’époque. Je pense qu’il ne le resta pas à la fin de la guerre.
Sur le Monument aux Morts de Caderousse, au coeur du cimetière, le nom d’Adrien apparaît entouré des 106 autres enfants de Caderousse sacrifiés pendant la Grande Guerre. Une hécatombe !




















