Eulalio Ferrer est un républicain espagnol, natif de Santander, réfugié en 1940 au Mexique où il fit carrière et devint un grand publiciste reconnu aux Etats-Unis. Il raconta son passage dans les camps français de la Retirada par l’écriture d’un journal qui fut publié en France sous le titre Derrière les Barbelés chez L’interdisciplinaire, une maison d’édition de Limonest, en 1993. Suite…
23 juin 1939.
Ecriture de lettres pour les femmes de la famille retenues à Belle-Île: félicitations pour le travail des filles, envoi d’argent et de timbres pour la correspondance.
Des nouveaux compagnons de baraque: le secrétaire de l’ancien Président du Tribunal Suprême de la République qui peste contre des gens qu’il a aidé dans le passé et qui déblatèrent officiellement maintenant dans l’Espagne Franquiste contre les « Rouges », un ingénieux petit vendeur de chaussettes sévillan.
Les hauts-parleurs officiels du camp rappellent l’interdiction de faire toute forme de politique à l’intérieur du camp… ce qui n’est bien sûr pas respecté. Les affiches et des petits journaux muraux illustrés par des dessinateurs de talent décorent l’intérieur des baraques.
Un ami des Jeunesses Socialistes Unifiées des Asturies lui annonce que l’unification va être rompue. Eulalio avait accepté d’être membre de ce nouveau mouvement. Puis il se remémore tous les conflits qu’il a vécus avec les Communistes au temps de la guerre civile, à Barcelone ou avant la bataille de l’Ebre.
La nourriture est déplorable: du riz et un immangeable morceau de viande tant il est dur. Les anciens disent que la tambouille a toujours été mauvaise ici, mais tous les records de médiocrité sont battus depuis quelque temps.
Des rumeurs, toujours et encore des rumeurs qui circulent dans le camp. Bientôt la guerre et la France et l’Angleterre qui attaqueront l’Espagne avec les détenus comme brigades d’avant-garde, les Etats-Unis qui interviendront et les fascites qui seront vaincus en quelques mois. Il existe des possibilités d’évasion grâce à un militaire français d’origine espagnole prêt à aider les candidats quand il sera de garde. Ou encore, une lettre d’un ancien député socialiste qui prédit que tous les gens du camp seront en Amérique d’ici à 3 mois !
Mais pour l’heure, la seule réalité, c’est la faim qui tenaille les estomacs.
A suivre le 28 juin…

