Eulalio Ferrer est un républicain espagnol, natif de Santander, réfugié en 1940 au Mexique où il fit carrière et devint un grand publiciste reconnu aux Etats-Unis. Il raconta son passage dans les camps français de la Retirada par l’écriture d’un journal qui fut publié en France sous le titre Derrière les Barbelés chez L’interdisciplinaire, une maison d’édition de Limonest, en 1993. Suite…
14 août 1939.
Le temps est beau ce 14 août, les hommes se baignent. Course d’Eulalio avec un copain… tandis que d’autres « hallucinés » ne se gênent pas de compenser les privations sexuelles du confinement dans la mer.
La nourriture est de plus en plus détestable, peu abondante et mauvaise. Aussi Eulalio se réfugie dans l’écriture pour calmer sa faim. Il va aussi voir son professeur (de tout) qui le fait philosopher sur la phrase du titre de la journée: Il est plus difficile d’être que de cesser d’être. Un vrai sujet de philo au bac ! La rencontre se termine par des vers que dit le sage tandis que l’audience s’élargit alors.
Avec son ami Isidoro, il lit le journal La voix des Espagnols et n’est pas d’accord avec la critique qui y est faite de Julian Besteiro. Celui-ci essaya de négocier avec les franquistes un accord pour faire cesser la guerre civile sans succès, autant quand il était Président du Conseil que quand il fut nommé Ambassadeur de la République à Londres.*
Les internés ont à répondre à un questionnaire demandé par les autorités françaises. Face à la bêtise de quelques questions (pourquoi ne souhaitez-vous pas retourner en Espagne), ceux-ci répondent de manière très fantaisiste…
Le dernier puni de l’expédition pour s’échapper est sorti du camp des indésirables. La description qu’il en fait est terrible: mauvais traitement, nourriture quasi absente, eau du puits nauséabonde à boire… Beaucoup de détenus ne résistent pas et décèdent. Ce qui n’empêche pas ce copain de vouloir à tout prix repartir, le soir même, ce dont les autres l’en dissuadent.
Une histoire drôle circule sur Franco. Celui-ci exige de ceux qu’il rencontre crient 3 fois Franco pour le saluer. Si bien qu’il a droit au surnom de Paco le sourd. Moins amusante est la situation en Espagne où les exécutions sommaires continuent. Les surveillants français n’arrivent pas à comprendre pourquoi les Espagnols préfèrent leur misère de l’exil à un retour chez eux. Eulalio termine par cette phrase prémonitoire: les Français nous comprendront un jour !
A suivre le 15 août…
*Après la victoire des franquistes, Julian Basteiro sera condamné à 32 ans de prison, enfermé malade dans la geôle de Carmona (près de Séville) où il mourut rapidement suite à la dureté des conditions d’enfermement, le 27 septembre 1940.