C’est en octobre 2015 que notre amie Janick Roussel-Ode trouvait lors d’une promenade non loin de chez elle, cette borne seigneuriale sur le territoire de sa commune, La Roche-Saint-Secret-Béconnes, au pied de la Lance. Cela lui valut des jalousies masculines, quelques commentaires acerbes et des difficultés pour faire reconnaître sa découverte. C’est dur d’être prophète dans son pays !
Ces tracas sont finis et au printemps dernier paraissait une plaquette écrite conjointement par Janick et Jean-Claude Mège-Bastet pour expliquer au grand public ce qu’il en était de cette découverte, de la raison d’être de ces bornes seigneuriales… Son titre: Des bornes médiévales dans la haute vallée du Lez ».
Maintenant que l’on peut donc parler ouvertement de cette borne, voici quelques passages intéressants (pour moi) de cet écrit.
En premier lieu, la plantation de la borne valait le détour. Devaient être présents les bons hommes, des hommes de loi qui garantissaient le bon déroulement de l’opération. Puis, il fallait des témoins qui savaient où se trouvait la juste limite où devait être plantée la borne. Enfin, le plus important et le plus… frappant, c’était la présence indispensable d’un jeune enfant. Celui-ci était là pour témoigner pour les générations futures de cette opération. Aussi, après lui avoir montré ce qu’il devait savoir, on lui assénait une bonne gifle, qui, plus elle était violente, plus elle allait lui faire garder le souvenir de ce moment ! De la valeur mémorielle de la baffe !
De plus, pour éviter que de petits plaisantins viennent déplacer la borne, qui, toutefois, on le verra plus loin, de par sa taille et son poids était déjà à elle seule assez dissuasive, on plaçait sous celle-ci des souvenirs irremplaçables de l’événement: brisures de pierres, tessons de poterie, silex, clous ou même pièces de monnaie, un petit trésor.… question d’attirer des convoitises !
Par la loi, déplacer une borne était considéré comme un homicide. De nos jours, le faire doit toujours conduire le vandale devant un tribunal.
Revenons à la borne de La Roche ! Elle avait été posée sur un petit mamelon aujourd’hui recouvert d’une végétation de chênes. A l’époque, aucun repère important, arbre remarquable n’avait remplacé la pose de cette limite. De part et d’autre de ce mamelon, des ravins de ruissellement des eaux. On appelle ce secteur, le ravin de la Gorge d’Âne.
La borne est un monolithe de 94 cm de haut dont 52 cm hors sol, large de 35 cm et épais de 20 cm. Elle est orientée nord-sud. De chaque côté de la pierre, les blasons d’un seigneur local qui se partageaient ses arpents de terre. Il faut dire qu’à cette époque, dans ce territoire qui ne présentait aucune richesse particulière, pas moins de 6 seigneurs se disputaient la propriété du territoire !
D’un côté donc, à l’ouest, les armoiries de la famille de Vesc, palé d’argent et d’azur de six pièces, au chef d’or. En fait 5 bandes verticales, 2 en relief et 3 en creux.
De l’autre côté, à l’est, les armoiries de la famille Bologne d’Alençon. Mais il est beaucoup moins évident à discerner la patte d’ours avec ses griffes, percée de 6 bézans d’argent 3-2-1, même avec un bon éclairage du soleil… ce qui n’était pas le cas quand nous nous sommes rendus sur les lieux, un dimanche couvert de janvier !
L’implantation de cette borne a été datée par Janick de la fin du XVème, début du XVIème siècle, donc autour de l’an de grâce 1 400 ! 600 ans qu’elle était plantée là et attendait que l’oeil exercé de notre amie érudite passe par là pour raconter son histoire. Une chance !