Quand la perspective de l’arrivée du chemin de fer à Caderousse tournait la tête à quelques autochtones !!!

C’est à l’occasion de recherches sur le transporteur de betteraves de L’Ardoise aux Cabannes que j’ai trouvé en m’évadant un peu du sujet, le fin mot d’une petite affaire de famille, celle des ascendants Boissel, du côté des parents de ma grand-mère paternelle Philine.

C’est une histoire dont j’ai toujours entendu parler sans trop savoir ce qu’il y avait sérieusement derrière, à savoir la réalité de ce projet de train prévu pour aller du Vaucluse au Gard en passant… par Caderousse, bien entendu ! Non, ce n’était pas une galéjade ! Le projet a bien et bel existé dans la seconde moitié du XIXème siècle au moment où tous les investisseurs capitalistes se voyaient devenir milliardaires en pariant sur le rail, sans trop réfléchir à la rentabilité des lignes qu’ils envisageaient… et même construisaient. Qu’on se souvienne ainsi de la ligne Le Pouzin-Aubenas via Privas avec un tunnel sous le col de l’Escrinet qui fonctionna en tout et pour tout 4 ans, de 1910 à 1914 ! Ou, pire encore dans ce grand gaspillage à la course aux profits et à la modernité, la ligne Le Puy-en-Velay-Aubenas où furent construits tous les ouvrages d’art dont le long tunnel du Roux devenu ensuite routier et où pas un seul mètre de voie ferrée ne fut jamais posé !

On découvre donc chez Gallica, la loi du 04 décembre 1875 déclarant d’utilité publique l’établissement d’une voie ferrée d’Alais (maintenant Alès) à Port-L’Ardoise, le port de Laudun sur le Rhône au lieu-dit L’Ardoise, dans le Gard. Ce sont un certain Stephen Marc et une société en cours de formation (un peu cavalière tout de même l’autorisation donnée par l’Etat) qui auront le droit de construire cette ligne et quand le tronçon Alais-L’Ardoise  sera terminé, on pourra alors envisager une prolongation vers l’est pour aller rejoindre la ligne PLM à Orange dans le Vaucluse. Pour cela, il faudra tout de même construire un pont sur le Grand Rhône puis un autre sur le Petit Rhône et vous l’avez deviné, il y aura au milieu de cette virgule gardo-vauclusienne, Caderousse et très certainement une gare (accompagnée du café bien nommé celui-là), gare envisagée du côté du portail Castellan, entre le village et le cimetière.

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 Quand mes ancêtres Boissel eurent vent de ce projet, ils s’empressèrent d’échafauder le leur, dans les années 1875-1885, tout aussi farfelu que l’officiel. Ils constatèrent qu’un de leurs terrains se situait exactement sur le tracé de la future voie ferrée, ce qui était tout à fait exact. Il s’agit du « Jardin » que nous avons toujours au milieu des maisons d’un lotissement. Ils allaient être expropriés mais quelques dizaines de mètres-carrés de pré nu ne valent pas grand chose. Par contre, si sur celui-ci est bâtie une maison d’habitation, une grange, même en terrain hautement inondable, cela change tout et la vente peut s’avérer lucrative !

Alors, ni une, ni deux, un aïeul se lança dans la construction de la rente maison. Il fallait un certain courage certes car cela représentait un travail considérable mais il avait un peu de temps devant lui car il fallait que la ligne Alais-L’Ardoise soit achevée pour que les décideurs s’attaquent au second volet du projet L’Ardoise-Orange. Des murs commencèrent donc à s’élever dans le « Jardin », les piliers d’une porte d’entrée le long du chemin aussi, porte qui a toujours la même fonction plus de 135 ans plus tard. Dire si l’on est conservateur !

Ce qui devait arriver… arriva ! Non que les murs bâtis par un maçon improvisé ne s’effondrent, ils sont toujours debout au jour d’aujourd’hui. Non ! Que le projet aussi bancale autorisé par l’Etat tombe à l’eau ! Ainsi on nous apprend (toujours chez Gallica) dans le Journal Officiel du 13 mars 1889 que la société du sieur Stephen Marc pompeusement intitulée « Compagnie d’Alais au Rhône et à la Méditerranée (!) » a fait faillite, n’ayant réussi à construire en 12 ans  qu’un embranchement de l’usine de Salindres à la ligne Bessèges-Alais… et que cet actif ainsi que les projets définis en 1875 sont repris par la vraie compagnie du PLM.

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Une PLM qui construisit bien une ligne Alais-L’Ardoise via Seynes, Cavillargues, Le Moulin, Connaux. Cela permettait au charbon gardois d’accéder directement aux bateaux du Rhône et, par là, livrer rapidement Valence, Lyon, Avignon et  Marseille. Mais la suite du projet n’aboutit jamais. Le longueur du viaduc sur le Rhône (plus de 2 km avec les rampes d’accès) dut refroidir les investisseurs sérieux de la compagnie. C’aurait été le plus long pont-rail sur le Rhône de toute la vallée, l’équivalent de ce qui a été construit à la fin du XXème siècle pour la Ligne à Grande Vitesse, entre Les Angles et Courtine.

Adieu, veau, vache, cochon, couvée…  pour mes aïeuls Boissel et un peu pour moi aussi ! Le pactole s’envolait… Alors si vous passez devant ce jardin pas très bien entretenu, avec un gros figuier au milieu, ces ruines ne sont pas les restes d’une grange effondrée, ni celles de la grange brûlée (elle est un peu plus loin et a été rebâtie) mais les restes de rêves un peu fous engendrés par un projet loufoque !

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