106 noms de Poilus de Caderousse tombés lors de la Grande Guerre. 106 parcours qu’on va essayer de raconter au fil des semaines et des mois jusqu’au 11 novembre 2018.
Treizième nom de la liste: Blachier Léopold Guillaume.
Première face du Monument.
Berry-au-Bac est un lieu moins connu que Verdun ou la Marne dont l’historiographie de la Grande Guerre pour le grand public mais il n’en demeure pas moins un coin où l’on se battit quasiment sans discontinuer de 1915 à 1918. On y reviendra. C’est à deux kilomètres de ce bourg, sur le Mont Sapigneul que disparut le 16 avril 1917, Léopold Blachier, âgé de 29 ans.
Léopold était né le 15 octobre 1887, d’un père Lucien alors âgé de près de 40 ans et d’une mère, Marie Rosalie Taraveau, âgée seulement de 24 ans, dans la grange familiale du quartier de Bayard. Le recensement de 1906 nous permet de retrouver la famille complète dans la ferme du chemin d’Orange:
Une petite soeur, Rose, plus jeune de 3 ans que Léopold, est venue s’ajouter à la famille en 1890. En 1911, Léopold n’est pas recensé puisque militaire à Marseille au 3ème Régiment d’Infanterie, il effectue ses classes du 03 octobre 1909 au 24 septembre 1911. Il y a obtenu son Certificat de Bonne Conduite à l’issue de ces 2 ans.
Rappelé lors de la déclaration de guerre du 03 août 1914, il rejoint le 3ème R.I. à Digne qui fut rapidement déplacé en train vers le nord-est de la France. C’est le 13 août que les hommes de ce régiment connurent leur baptême du feu du côté du bois des Hauts de la Croix à Concourt non loin de Nancy et surtout près de Lagarde où était déjà tombé un autre Caderoussier, Augustin Aubert, le 11 août, 2 jours auparavant; on a déjà parlé. On peut lire sur le journal de marche du régiment que le tir (allemand) qui a dû être préparé et repéré avec la plus grande attention et la plus grande précision fait de cruels ravages dans les rangs du 1er et du 2ème bataillon.
Mais c’est du côté de Verdun, à Béthincourt, que Léopold Blachier sera blessé une première fois, le 12 mars 1915, d’un éclat d’obus qui lui occasionna une plaie légère à l’avant-bras droit, pour reprendre les termes officiels du registre matricule. Bizarrement, le journal de marche de l’unité ne signale aucun incident ce jour-là mais parle d’un blessé à Bois Carré le lendemain, le 13 mars. Une erreur de transcription sur le registre matricule, peut-être ?
Le 12 mai 1915, de retour de convalescence, Léopold Blachier passe au 150ème Régiment d’Infanterie, à Chartres.
Il est temps de parler de ce secteur de Berry-au-Bac considéré autant du côté allemand que du côté français comme un endroit stratégique. Comme vous le voyez ci-dessous, nous sommes à 100-120 km au nord-est de Paris…
où tout mamelon dépassant de la plaine devient capital pour des stratèges militaires. Ainsi, dès 1915,…
la côte 108 fut l’enjeu de toutes les convoitises. Et comme à Vauquois, la guerre des mines y fit rage jusqu’en février 1916, début de l’offensive allemande sur Verdun qui détourna l’attention des 2 états-majors. En plus de cette butte naturelle, le canal latéral à l’Aisne et celui reliant l’Aisne à la Marne avaient eu la mauvaise idée de se rejoindre à Berry. Second enjeu pour les 2 camps. Dès la fin des combats de Verdun en 1916, ce secteur du front reprit de l’importance. Il se situait à l’extrême est du secteur du Chemin des Dames. L’attaque programmée par Nivelle pour enfoncer le front allemand éclaboussa sur ce coin déjà meurtri. Les combats pour prendre une autre « motte » guère plus élevée que la côte 108, le Mont-Sapigneul, du nom d’un hameau de Cormicy rayé de la carte par les combats, reprirent de plus belle. L’attaque principale eut lieu du 04 au 12 avril 1917 mais se prolongea jusqu’au 16 avril, journée qui vit le 150ème de Ligne décimé comme en atteste ce monument du Lieutenant Cocula disparu le même jour que Léopold Blachier:
Document emprunté au net.
Pour preuve le parallélisme des fiches de Léopold Blachier de Caderousse et Alphonse Cocula d’un hameau de Cahors (Lot) sur Mémoire des Hommes.
Que dire de plus ? Peut-être reprendre la citation que reçut Léopold Blachier pour son courage face à la mort, le 16 avril 1917, que lui décerna l’Armée:
Pendant le combat du 16 avril 1917, a fait preuve d’intelligence et d’initiative en se portant aux endroits particulièrement menacés sur le front de sa section, a contribué pour une large part à enrayer une violente contre-attaque ennemie. Soldat d’une bravoure et d’un dévouement exceptionnel.
Peut-être aller faire un tour sur le journal de marche du 150ème. Pas moins de 11 pages racontent la journée du 16 avril 1917. On y retrouve un plan précis des lieux avec l’enchevêtrement des tranchées françaises et allemandes, bouleversées de plus par les bombardements d’artillerie.
On y lit des passages édifiants prouvant l’ampleur des massacres:
Si même l’Armée le reconnaît !
Et un bilan des pertes considérable !
Pas moins de 1 106 hommes furent mis hors de combat en deux jours sur les pentes du Mont Sapigneul, dont la moitié tués ou disparus, ce qui revient au même !
Léopold Guillaume Blachier, matricule 340 classe 1917, bureau de recrutement d’Avignon pour ceux qui souhaitent aller consulter sa fiche matricule sur le site des Archives du Vaucluse. Même si le patronyme Blachier est rare de nos jours dans le sud-est, si un descendant indirect reconnaît cet ancêtre, qu’il ne se gène pas pour réagir, surtout s’il possède quelques photos ou documents.
Plaque empruntée au net célébrant à la fois les sacrifices du hameau et des hommes.
A suivre: Jules Bonnefoi.