116 noms de Poilus de Caderousse tombés lors de la Grande Guerre. 116 parcours qu’on va essayer de raconter au fil des semaines et des mois jusqu’au 11 novembre 2018.
Cent-quatrième Poilu: Edgard Auguste Roux.
Quatrième face du Monument aux Morts.
Edgard avec un D à la fin, tel que l’a transcrit l’Officier de l’Etat-civil d’Orange qui l’a enregistré par son prénom à la lettre E, sans son nom, après sa naissance le 03 novembre 1891…jusqu’à ce que sa mère, Marguerite Augustine Rosine Roux ne le reconnaisse officiellement, une fois remis de son accouchement, le 19 janvier 1892.
Un peu particulière la fratrie des neuf enfants Roux, tous nés de père inconnu et ayant donc pour seul parent leur mère Augustine Roux. Rien d’étonnant pour moi car cela semble être la copie conforme d’une partie de mon histoire personnelle. Donc, officiellement pas de père pour les frères et soeurs Roux mais un géniteur bien présent, toujours le même, un certain Denis Millet, cordonnier de son état, né en 1851, inscrit à titres divers sur les actes de naissance et les listes nominatives des recensements de 1906 et 1911 à Caderousse. Pourquoi donc ces enfants naturels alors que le couple officieux Millet-Roux semble solide ? Une première épouse de Denis disparue sans laisser de trace ? Une séparation sans divorce ? Et bien entendu l’impossibilité alors de reconnaître les enfants nés en dehors du mariage officiel. Pures supputations mais on ne doit pas être bien loin de la vérité. Les temps ont heureusement changé.
Marguerite Augustine Rosine Roux n’a que dix-huit ans quand elle met au monde son premier enfant, Eugène Désiré, le 08 mars 1890 à Courthézon. Un enfant qu’elle oubliera de reconnaître mais qui vivra avec elle. Elle rectifiera cela le 10 janvier… 1911, à Caderousse. Mieux vaut tard que jamais !
La famille déménagera ensuite à Orange, quartier de Merveilles chez un certain cordonnier Denis Millet dont on a déjà parlé. Naîtra alors notre futur Poilu Edgard Auguste Roux le 03 novembre 1891 bientôt suivi de trois autres bambins, Arthur Edouard qui deviendra cordonnier à son tour en 1893, Marcel Etienne en 1896 et une première fille, Léa Virginie, née en 1900, tous reconnus dans les semaines qui suivent leurs arrivées au monde par leur mère, une fois qu’elle peut se déplacer. Tous ces enfants vivront jusqu’à l’âge adulte, le seul à mourir jeune étant le futur Poilu Edgard.
Avec le XXème siècle naissant, « la famille » quitte Orange et déménage au Boulegon à Caderousse où Denis Millet vient réparer les chaussures et les lanières en cuir des Caderoussiens. De nouveaux petits Roux vont agrandir la fratrie. Une fratrie conséquente à la lecture de la liste nominative de 1911…
…les aînés sont toujours là, en tout cas officiellement car on apprend par ailleurs que les deux aînés Denis et Edgard travaillent comme maçons à Salon, dans les Bouches-du-Rhône, à la même date. Trois nouveaux enfants les ont rejoint: Louis Gilbert en 1905, Léopold Joseph en 1908 et Marie Thérèse en 1910. N’oublions pas la petite Alice Sylvie non mentionnée sur ce document de 1911 et pour cause… née le 09 novembre 1906 , elle décède un petit mois plus tard.
Eugène Denis va remplir ses obligations militaires de 1911 à 1913 au 173ème Régiment d’Infanterie de Nice. Bénéficiant de la présence de son frère sous les drapeaux, Edgard ne fera qu’une seule petite année à l’armée du 10 octobre 1912 au 23 août 1913, au 58ème R.I. d’Avignon. Il ne part pas très loin de chez lui mais… cela lui sera fatal !
Lors de la mobilisation générale, il rejoint le 58ème R.I. en quelques heures et dès les 5 et 6 août la troupe embarque à la gare de Pont d’Avignon, alias Villeneuve-lèz-Avignon, pour le nord-est de la France, Vézelise non loin de Nancy, rejoint en vingt-quatre heures. Cette histoire, on l’a déjà racontée dans la biographie d’Auguste Aubert, légèrement plus âgé qu’Edgard mais qui se côtoyèrent sous les drapeaux et au village.
Quelques marches forcées pour rejoindre la frontière franco-allemande qui depuis 1871 suit la limite du département de Meurthe-et-Moselle. La troupe y arrive le 10 en milieu d’après-midi. Le général commandant le secteur, le général de Castelnau, est clair. Il demande aux gradés sous ses ordres de « ne rien faire » jusqu’au 14 août. Mais le général commandant le 58ème d’Avignon s’aperçoit aux jumelles que la ville de Lagarde, là-bas au loin, en Lorraine allemande est mal défendue… et qu’on pourrait aller la libérer en étant ainsi le premier à libérer une ville occupée. Allons y sans tarder puisque dans trois mois, on sera à Berlin !
L’église de Lagarde, en Moselle de nos jours.
Alors, ne flairant pas le piège, il lance ses bataillons ce 10 au soir sur Lagarde sans l’appui d’aucune artillerie. Les quelques défenseurs allemands fuient comme des lapins et les soldats français s’installent dans Lagarde libérée pour passer une nuit tranquille !
Le lendemain matin, le réveil est tout autre. Un déluge d’une artillerie que ce pauvre Lescot n’avait pas vu tant elle était bien camouflée, s’abat sur les pauvres pion-pions vauclusiens, gardois et bucco-rhôdaniens. Plus qu’un baptême du feu, un baptême de sang ! Bilan entre cinq cents à neuf cents hommes mis hors-de-combat en quelques heures, une fuite, une débandade même et pour le général Lescot, un limogeage en bonne et due forme.
Edgar Auguste Roux ne sera jamais retrouvé après ce terrible 11 août 1914. Premier mort de Caderousse de la Grande Guerre à l’instar d’Auguste Aubert, Edgard Auguste était âgé de 22 ans et 9 mois.
Fiche matricule de Edgard Augustin Roux de Mémoire des Hommes.
Edgar Augustin Roux, matricule 796 de la classe 1911, bureau de recrutement d’Avignon, pour ceux qui souhaitent aller consulter sa fiche matricule sur le site des Archives du Vaucluse. Le patronyme Roux est très présent dans le sud de la France. Si quelqu’un reconnaît en Edgard Augustin un ascendant indirect, qu’il n’hésite pas à se manifester pour compléter ces quelques lignes.
A suivre… Paul Clair Roux.