110 noms de Poilus de Caderousse tombés lors de la Grande Guerre. 110 parcours qu’on va essayer de raconter au fil des semaines et des mois jusqu’au 11 novembre 2018.
Quarante-Cinquième nom de la liste: Henri Célestin Durand.
Henri Célestin Duand est l’un des morts les plus âgés pour la France de Caderousse et du Vaucluse. Certes il était un tout petit peu plus jeune que mon arrière-grand-père mais il n’était plus un gamin depuis longtemps quand la guerre éclata.
Célestin plutôt qu’Henri sur les listes nominatives de la commune, est né le 30 avril 1873. C’était le septième enfant du couple Henri Durand- Françoise Bernard. Ces derniers s’étaient unis au village le 30 septembre 1857. Lui venait de Langogne en Lozère et était descendu de sa montagne dans la riche vallée du Rhône qui offrait plus de travail que sa terre natale pour les familles nombreuses des paysans cévenols. A Caderousse, il vendait des fruits et légumes; « revendeur » pour l’agent recenseur.
Françoise Bernard était la fille d’un vannier et d’une demoiselle Berbiguier. Elle avait deux ans de moins que son époux et allait passer sa vie de femme à enfanter des gamins. Entre 1857 date de leur mariage et 1887, date du décès prématuré de Françoise, le couple allait avoir neuf enfants.
La famille presque au complet sur ce recensement de 1876.
Comme on le voit ci-dessus, seuls six enfants allaient survivre: Françoise née en 1858 et Jeanne Rose en 1860 avaient déjà quitté la maison en 1876. Rose née en 1860, Anselme l’aîné des garçons né en 1867, Thérèse en 1870 et Henri Célestin en petit dernier complètent la fratrie. Une première Thérèse n’avait vécu que 14 mois en 1865-66 et deux petits frères de Célestin: David Auguste et Alfred Etienne n’avaient vivre respectivement que six et vingt-un mois en 1876 et 1877-79. Terrible mortalité infantile !
La famille vivait derrière les digues qu’elle avait vu construire, rue Juteriez (plutôt Juiverie) au moment du recensement de 1876 mais avait déménagé auparavant dans le village de nombreuses fois: rue Monsieur puis rue Vénasque puis grande rue puis impasse Pied-Gaillard et enfin rue Juterie… comme on peut la suivre au gré des actes des recensements et des naissances.
Anselme avait fait sa période militaire de trois ans à Nice de 1888 à 1891. Henri allait s’arrêter un peu plus près, à Marseille, de 1894 à 1895, au 3ème Régiment d’Infanterie. L’armée l’avait envoyé en stage au 15ème Escadron du Train des Equipages pendant 40 jours. Dommage que cette expérience n’ait pas été concluante pour Henri car son destin aurait pu être modifié.
De retour de l’armée, Henri loue ses bras en devenant homme à tout faire, domestique, chez un patron, ici en 1901, chez François Bastides, un paysan.
Le recensement de 1901.
A l’âge de 29 ans, Henri va prendre pour épouse une jeune fille de Blauvac*, Erminie Louise Caritoux**, de huit ans sa cadette. Le mariage sera célébré à Caderousse le 28 juin 1902. Quelques mois plus tard, une petite Rose éclora le 30 janvier 1904 suivie d’un petit Gabriel un an plus tard, le 29 juillet. Ce seront les deux seuls enfants du couple.
Ces enfants voient partir leur père le 03 août 1914 pour la guerre. Il a alors un peu plus de 40 ans et eux 10 ans. Ce sera un épisode qu’ils n’oublieront pas. Comme pour mon arrière-grand-père, dans un premier temps, c’est en Territoriale qu’on retrouve Henri, ce qui signifie qu’il est éloigné du front momentanément. Mais la grande saignée du début du guerre oblige la hiérarchie militaire d’envoyer de « vieux » soldat dans les tranchées de première ligne. En octobre 1915, ça cogne fort dans la Marne, du côté de Suippes. Le Journal de Marche du 118ème R.I. raconte sur quelques pages les terribles journées endurées par ses hommes. N’oublions pas que nous sommes ici non loin de Tahure, village rasé lors de ces combats qui ne sera jamais reconstruit et aujourd’hui… « Mort pour la France » comme une dizaine d’autres dans le nord et nord-est de la France.
Dès le début, les pertes sont sérieuses… Les hommes vivent comme des rats, constamment terrés dans des trous le jour et ne bougeant que la nuit pour réaménager leurs caches. Les Allemands sont solidement positionnés.
Même pour attaquer, pour éviter des hécatombes, on ruse et on se sert de la nuit. Cela marche quelquefois comme on le lit dans l’épisode narré ci-dessus.
Dans la journée du 07 octobre, les Allemands attaquent avec des armes chimiques et on parle pudiquement de « pertes sensibles » dans les rangs français; autrement dit, il y a beaucoup de victimes.
Après plus d’une semaine dans cet enfer, les hommes sont à bout. Ils seront relevés le 09 au soir, du moins pour les survivants. Henri ne fait plus partie de ceux-ci. Il a été grièvement blessé pendant cette période sans qu’on puisse dire exactement à quel moment précis, et emmené vers un hôpital de campagne, à l’arrière, à Ludes, où il va décéder suite à ses blessures le 19 octobre 1915.
Il avait alors 42 ans et demi. Rose et Gabriel, ses enfants, allaient être adopté comme Pupille de la Nation par un jugement du Tribunal d’Orange le 19 juillet 1919. Cette décision ne ferait pas revenir leur père mais allait leur permettre d’être aidés matériellement par l’Etat. C’était beaucoup mieux que les 150 francs octroyés aux parents de soldats célibataires décédés.
Le 118ème R.I. retiré au camp Bonnefoy allait recevoir un renfort de 930 hommes venus de Vendée et de l’ouest de la France… et même d’éclopés du 63ème R.I…. c’est dire l’importance des pertes enregistrée pendant cette semaine sanglante d’octobre 15 en Champagne pouilleuse.
On retrouve une trace de Célestin Durand sur une tombe du premier cimetière de Caderousse, tombe ancienne à l’inscription difficilement lisible, en belle pierre de Provence sculptée. Les parties lisibles correspondent à ce que l’on connaît. Le corps de Célestin doit bien avoir été amené au pays, certainement après-guerre.
La fiche d’Henri Célestin Durand de Mémoire des Hommes.
Henri Célestin Durand, matricule 1061 classe 1893, bureau de recrutement d’Avignon, pour ceux qui souhaitent aller consulter sa fiche matricule sur le site des Archives du Vaucluse. Le patronyme Durand est très répandu en région même s’il n’est plus présent à Caderousse. On le retrouve à Montfaucon, Orange… Si une personne reconnaît en ce Poilu, un ascendant direct ou indirect, qu’il n’hésite pas à se manifester pour compléter ou corriger cette petite biographie.
A suivre: Léon Ferragut.
*Blauvac, village du Vaucluse, à l’est de Carpentras, proche de Ville-sur-Auzon.
**Caritoux, près de Carpentras, serait-ce une ascendante indirecte du champion cycliste des années 80, Eric Caritoux ?