Il y a 3 ans, le drame de Tom Simpson avait été un traumatisme pour le sport en général et le cyclisme en particulier. On découvrit qu’à ce petit jeu-là, finalement, on pouvait en mourir ! Aussi, en 1970, quand les organisateurs programmèrent à nouveau…
une arrivée au sommet du Géant de Provence après le passage des Alpes, ils décidèrent que l’étape arriverait à la fraiche, vers les 20 heures, une heure plus qu’inhabituelle pour le Tour ! C’est, je pense, la première fois que cela se passa dans l’histoire moderne du Tour, après l’époque héroïque qui voyaient les sportmen partir à 3 heures du matin pour rentrer à 10 heures du soir, la seconde sera l’arrivée finale aux Champs en semi-nocturne, du centième Tour, en 2013.
Sur les photos des magazines sportifs, on remarque tout de suite cette heure tardive à la tenue des spectateurs…
qui ont troqué le short pour le pantalon et ont pris soin de ne pas oublier une petite laine pour la fin de soirée… et…
aux ombres démesurées des spectateurs et des vélos.
Malgré cela, la soirée se termina dans l’ambulance pour Martin Van den Bossche, l’ancien co-équipier du grand Eddy Merckx devenu son rival en 1970…
à la peine sur le final puis totalement effondré.
Il fut rapidement pris en charge par le service sanitaire…
puis mis sous oxygène. Impressionnant sur le coup mais il repartit le lendemain !
Quant au champion belge, après des instants difficiles sur la route, on y reviendra, il manqua aussi d’air sur le podium…
surtout aux côtés d’un assistant fumant une cigarette et alla passer un moment à l’infirmerie.
Ce qui fit écrire au rédacteur de Miroir Sprint, ce titre:
Pour remettre ces mots dans le contexte de l’époque, n’oublions pas qu’en juillet 1970, nous sommes 2 ans après les Jeux Olympiques de Mexico dont certains résultats furent marqués par les effets de l’altitude, tel l’exceptionnel saut de Beamon et à quelques mois de la Coupe du Monde de football. De plus, la mode alors était d’aller battre le Record de l’Heure cycliste sur la piste du vélodrome de Mexico en lieu et place de celle du Vigorelli de Milan.
Eddy Merckx, en jaune après la traversée des Alpes, avait préparé son coup en peaufinant son matériel…
programmant même un réglage de selle en roulant. Puis il avait attaqué l’ascension à vive allure, sans s’occuper de personne…
faisant le vide derrière lui. Seul le courageux mais si maladroit portugais Joachim Agostinho s’accrocha un moment…
avant de lâcher prise dans la forêt, loin encore du Chalet Reynard.
Les autres…
(de gauche à droite: Delisle, Thévenet, Galdos, Watgmans, Pintens, Van Impe, Van Neste, Van den Bossche, Poulidor, Zoetemelk et Panizza) roulaient comme des hommes et non un robot et jetaient tous un regard anxieux vers le haut pour deviner ce qu’il leur restait à faire. L’écart se creusait de plus en plus, frisant les 3 minutes. Merckx volait vers la victoire.
Devant la stèle installée à l’endroit où Simpson tomba en 1967…
Merckx pensa à ôter sa casquette, en souvenir Tommy…
son ancien équipier en France, chez Peugeot, au début de sa carrière.
Et puis, à quelques centaines de mètres du but, la belle mécanique se grippa…
on le devine sur le visage creusé et livide du champion. Contrairement à ce qu’il avait clamé à la presse la veille à Gap, non, le Ventoux (n’) est (pas) un col comme les autres.
Comme on le lit sur ce classement…
le Cannibale a perdu les 2/3 de son avance sur la ligne, avant le malaise qu’on a décrit plus haut.
Pellos, dans le numéro de Miroir Sprint précédant l’étape du Ventoux avait produit ce dessin:
Pour ce dessinateur, habituellement, l’Homme au Marteau est un monstre velu qui se cache derrière les montagnes et assène des coups aux pauvres coureurs. Là, c’est Merckx qui dans les Alpes est devenu l’Homme au Marteau pour ses adversaires… mais dans le Ventoux, c’est lui qui se donna tout seul, par son attitude orgueilleuse et suicidaire, un bon coup derrière la tête avec ce rythme effréné depuis le pied de l’ascension.
Cette année-là, Merckx allait gagner son second Tour de France comme on le voit sur les unes des numéros-souvenirs de cette course…
laissant son dauphin, Joop Zoetemelk à quelques 13 minutes, à Paris. Le Cannibale dominait le cyclisme… et dire qu’on vient d’apprendre qu’il était inapte pour le sport de haut niveau !