La correspondance du Poilu Grenoblois- Une lettre du 27 septembre 1914.

Nouvelle lettre du Poilu grenoblois Pierre Gautier à ses parents.Longue lettre écrite certainement en plusieurs épisodes. Dans son propos, Pierre raconte à la fois ce qu’il vit sur le front ou près du front et des allusions à ses connaissances familiales et amicales et les nouvelles qu’il reçoit d’elles. Cela donne un récit assez peu cohérent mais intéressant à lire…

Voici donc principalement les extraits qui parlent de la vie militaire.

Depuis notre changement de résidence, nous ne restons pas sans rien faire, actuellement nous établissons tout autour d’un village d’importantes fortifications.…

Le beau temps continue mais il fait moins chaud et dans une quinzaine de jours je supporterai bien un caleçon d’hiver. Le foin commence à se faire rare et les nuits sont fraîches.… Le capitaine doit nous faire distribuer à chacun un chandail en laine et dans ce cas, la camisole serait inutile et encombrante. Notre petite équipe possède déjà 2 couvertures mais ce n’est pas suffisant, toujours par les grands moyens nous en aurons une troisième et tout ira pour le mieux, nous serons chez nous (système débrouille).

Plus loin, il va raconter, à la demande de ses parents dans leur lettre précédente, une combat qui va entraîner la blessure d’un ami grenoblois.

Mais puisque vous y tenez voici quelques détails sur l’accident arrivé à notre ami Roybet. C’était le 3 septembre, nous étions depuis quelques jours au village de Saint-Maurice dans les Vosges. Malheureusement par sa situation géographique, ce petit pays se prêtait admirablement à l’opération du bombardement et pour ce travail les Allemands employaient le 220. Vous voyez d’ici ! Ce qui devait arriver arriva. Un beau matin, les obus après avoir passé longtemps au-dessus de notre grange, finirent par trouver le chemin un peu long et trois d’entre eux tombèrent au milieu de notre carrefour. Résultat dans notre compagnie plusieurs blessées parmi lesquels Roybet avec fracture de la clavicule par un éclat d’obus, l’infirmier et quatre ou cinq sapeurs. Il y avait encore d’autres militaires gravement blessés et un mort. Heureusement le poste de secours était à côté et nos blessés ont été pansés immédiatement. C’est après le premier obus que nous avons eu tous nos blessés. Nous étions après les panser les autres tombèrent devant l’ambulance (je passe sur beaucoup de détails). Toutes les vitres volèrent en éclats et d’un seul coup la maison fut remplie d’une épaisse fumée. En dernier lieu c’est à la cave que nous nous sommes réfugiés. Par Sohaler, nous avons souvent des nouvelles de notre blessé. Il va de mieux en mieux et espère bientôt être rétabli.

On comprend avec la parenthèse (je passe sur beaucoup de détails) que Pierre va taire une scène certainement assez dure avec la chute de cet obus de gros calibre sur une ambulance.

Puis il parle du personnel de santé qu’il côtoie.

Comme major, nous avions un docteur parisien très fort paraît-il, mais excessivement peureux, vous pouvez le croire. C’est dans l’après-midi du 2 septembre qu’il a été blessé en se sauvant sur la route toujours dans le même village. Et pendant ce temps, j’étais tranquillement assis au bord du ruisseau occupé à voir tomber les fameux obus. En observant un peu, on se rend compte du tir de ces grosses pièces qui portent de 10 à 12 km (c’est ce qui nous manque malheureusement). Le tir va toujours en s’allongeant et à peu près dans la même direction ; il va sans dire que comme en grammaire il y a quelques exceptions à la règle. Je crains beaucoup moins ces obus que leur petit 77 dont un éclat a marqué ma gamelle, vous savez déjà. Tout naturellement, je vous explique cela, il est vrai que depuis deux mois finissant par être tout à fait entraîné à ce genre de sport. Après ces petits accidents, trois brancardiers étaient seuls pour représenter le service de santé de la compagnie. Cette situation ne pouvait pas durer bien longtemps. Le jeune Schaller remplace Roybet. Nous avons un infirmier et comme Major un jeune docteur dans sa deuxième année de service. C’est un gentil garçon. Il est surtout moins fier et plus courageux que son prédécesseur qui doit être actuellement bien remis de son égratignure…

Pierre joue un peu à l’ancien combattant avec cette explication de la perception des tirs des gros calibres allemands et de la logique de la chute des obus. Contrairement au major totalement affolé par la canonnade.

C’est alors que le soldat Gautier raconte ce qui a été écrit dans les cartes et les lettres reçues de la part et d’amis. Il raconte ce qu’il a répondu à l’un d’eux.

Vous demandez des souvenirs. Bien franchement si comme nous, vous aviez été témoins des atrocités de ces barbares, vous m’en voudriez pas un seul. J’ai vu des Allemands prisonniers, beaucoup d’autres morts sur les routes et dans les bois, beaucoup d’objets à mais je n’ai jamais rien ramassé, ça me salirait. Dernièrement j’ai été un soir dans un grand château il y avait peut-être 20 blessés et 10 infirmiers allemands prisonniers. (Les lignes ennemies étaient à plus de 1 km). Avec mes amis et le major nous sommes restés peut-être une heure avec. Très facilement, il nous donnait tout ce qu’on voulait. J’avais trois casques mais je me suis simplement contenté de prendre les trois rosaces placées de chaque côté. Les autres sont dans le fossé. Il y avait aussi un casque superbe d’officiers de chasseurs à cheval. Nous avons seulement conservé un de leurs bouteillons, ils sont très pratiques, en l’aluminium et plus petits que les nôtres. Dans notre équipe nous nous s’en servons pour les extras : thé, chocolat, confiture de pommes, etc.… Si vers la fin je trouve un objet peu encombrant, je promets de vous le rapporter. J’ai déjà plusieurs balles et de jolis éclats d’obus.

Des souvenirs de guerre, des trophées pris à des prisonniers allemands mais dans cette campagne, on comprend que le paquetage et le matériel sont assez lourds pour ne pas s’encombrer de choses supplémentaires. Les écussons militaires, eux, sont petits et légers.

Voici donc les passages les plus intéressants extraits de cette longue lettre.

A suivre d’autres lettres de la correspondance de ce poilu grenoblois

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