Une lettre datée du 17 octobre 1944 qui raconte les évènements du Vercors de juillet 1944. Barbières est situé au pied des Monts du matin, à l’est de la plaine de Valence, au début du col du Tourniol. Après quelques mots s’enquérant de la santé des correspondants et donnant des nouvelles de la famille, l’auteur raconte:
« Au 9 juin, j’avais rejoint le maquis du Vercors en compagnie de Ruchon, Jean Reynier, Raymond Reynier, René Blachon, Nicolas Marcel, nous y sommes restés jusqu’à fin juillet date à laquelle les Boches nous ont attaqués en force. Vous avez dû l’apprendre dans les journaux ainsi que toutes les atrocités commises. Barbières étant zone rouge ainsi que tout le pays le long de la montagne, nous avons eu l’occupation des Mongols pendant 17 jours; ce fut le règne de la terreur, pillage, incendies et viols. Heureusement aucune victime au pays, ma femme ne pouvant rester avec Ginette seule dans le grand bâtiment s’était réfugiée chez M. Bellier sur Besayes le 21 juillet. Le 22 au matin, les rafles et les perquisitions commençèrent à la pointe du jour. Vous pensez bien que notre logement ainsi que l’usine n’y ont pas…
…échappé; à l’usine tous les tissus sont partis, quant à la maison, le poste, le vélo, le linge, les couvertures, le lainage, les vêtements, les chaussures etc…, ils nous ont laissé tout de même les meubles, la vaisselle et quelques vieilles nippes, vous pensez un peu dans l’état que cela avait mis. Ma femme quand elle est rentrée chez elle de trouver une maison toute bouleversée et moitié vise, nos réserves en nourritures, 12 douzaines d’oeufs , un jambon, du lard, 25kg de farine blanche, 5 kg de sucre, 10 kg d’haricots, 8 kg de maïs, 5 kg d’orge torréfiée, le beurre, la graisse, le vin en un mot il nous reste plus que nos yeux pour pleurer. Après cette secousse, ma mère est décédée le 15 août, cela fait que nous sommes tous monté à Bouvante chez les parents de ma femme pour passer trois semaines de tranquillité qui nous a fait tant de bien à tous.
Vous avez dû savoir que Saint-Jean, Saint-Nazaire et Pont-en-Royans ont été bombardés par les boches de 20 juin; Saint-Nazaire a beaucoup souffert aussi l’usine est paralysée pour quelques temps à cause des dégâts t le pillage qu’elle a subi. A Barbières, nous avons recommencé le 2 octobre, nous pensons pouvoir travailler en attendant de recevoir les nouvelles matières, au kaolin ça ne marche pas fort, le manque de transports se fait sentir… »
La répression qui fut terrible sur le plateau (Vassieux, La Chapelle, La Luire…) le fut également au pied où les Allemands attendaient les maquisards descendant du plateau plutôt que les poursuivre dans les forêts et ne souhaitaient que la population les aide. Le passage de l’Isère pour ses jeunes fuyant le plateau fut fatal pour beaucoup (nombreuses stèles le long de la route vers Saint-Nazaire-en-Royans). Les Mongols dont on parle sont des supplétifs de la Wehrmacht issus de l’Est (Azerbaïdjan…) spécialisés dans des taches pour semer la terreur après les combats qui furent menés par des Alpins et des Parachutistes sur le plateau.