Eulalio Ferrer est un républicain espagnol, natif de Santander, réfugié en 1940 au Mexique où il fit carrière et devint un grand publiciste reconnu aux Etats-Unis. Il raconta son passage dans les camps français de la Retirada par l’écriture d’un journal qui fut publié en France sous le titre Derrière les Barbelés chez L’interdisciplinaire, une maison d’édition de Limonest, en 1993. Suite…
2 mai 1939.
Lendemain de fête et toujours la pluie qui continue de tomber, drue. En fin d’après-midi une éclaircie fera apparaître les sommets enneigés des Pyrénées frontalières. Sale temps pour un 2 mai !
Au déjeuner, partagé avec son père, Eulalio revient sur ses projets (SERE pour le père, départ espéré pour le Mexique). Le père semble un peu moins affecté et paraît accepter les décisions de son fils.
Dans son écrit, l’auteur revient sur son inscription à la Compagnie de Travail. Il se rend au bureau littéralement pris d’assaut par les volontaires voulant sortir du camp. Cela arrange les militaires français qui ont besoin de ces travailleurs bon marché, avec les bruits de bottes qui s’intensifient en ce printemps 1939. La pression augmente aussi pour pousser les hommes à s’engager dans la Légion. Outre sortir du camp, travailler dans une Compagnie de Travail permet d’améliorer l’ordinaire, l’hébergement et de gagner 1 franc par jour. Pas négligeable !
Avec cette visite au bureau français, Eulalio s’aperçoit du « luxe » de l’Etat-Major espagnol avec des conditions de vie scandaleusement privilégiées par rapport au reste de la population du camp. Ecoeurant !
De retour dans son quartier, l’auteur rencontre un homme qui a fui il y a quelque temps pour repartir en Espagne retrouver sa famille. Mais l' »accueil » de la Gendarmerie espagnole, les coups reçus dans leurs locaux pour sa catalanité et ses anciennes préférences anarchistes l’ont refroidi. Les prisons pleines de prisonniers républicains à Barcelone, la brutalité de la répression franquiste qu’il a vu, tout cela l’a poussé à repasser la frontière française et revenir au camp d’Argelès. L’attitude des vainqueurs écoeure ceux qui écoutent son récit qui ne comprennent que ces derniers ne tendent pas la main aux vaincus. Et l’on sait maintenant que cela dura jusqu’en 1975 !
En début d’après-midi, les haut-marleurs du camp égrainent les noms des 20 premiers chanceux qui partent immédiatement pour le Mexique. Surprise, gêne puis solennité du moment guident leurs pas vers leurs avenirs.
De son côté, Eulalio se replonge dans la lecture de Don Quichotte. Un homme lui a échangé ce livre contre un paquet de cigarettes qu’il avait sur lui et qui ne lui servait à rien, lui, le non-fumeur, du côté de Port-Vendres, en février. Heureux par ce troc, il essaie de trouver des similitudes entre ces gentils fous qui l’entourent et les attitudes du héros de Cervantès.
A suivre le 15 mai…














