ILS ONT TUÉ JAURÈS !

Cela fait exactement 100 ans, au moment où cet article est publié sur le blog que, dans le café du Croissant, à l’angle de la rue Montmartre et de la rue du Croissant, un extrémiste de droite proche des idées de Maurras assassina Jean Jaurès, le leader de la gauche pacifiste qui essayait de toutes ses forces d’unir les ouvriers français et allemands pour empêcher la guerre. Son assassinat mit fin à l’opposition pacifiste à cette guerre qui éclatera le 3 août. Jaurès prédisait une boucherie fratricide, longue et abominable…

Quelques jours après les soldats français, des ouvriers et paysans partaient la fleur au fusil en criant « à Berlin dans un mois! » et les soldats allemands, d’autres ouvriers et paysans en faisaient de même en chantant « à Paris dans une mois! ». La guerre dura 52 mois, fit 10 millions de morts et fut à l’origine des autres catastrophes du siècle: les fascismes et la seconde guerre mondiale.

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LE CAFÉ DANS LEQUEL FUT ASSASSINÉ JAURÈS

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DEVANT LE CAFÉ LA PLAQUE COMMÉMORATIVE

Dans cette revue parue en septembre 1939

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on trouve une photo du café du Croissant tel qu’il était au moment de l’assassinat du leader ouvrier

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De son côté, la droite en a longtemps voulu à Jaurès d’avoir eu raison, un peu seul contre tous. Outre l’acquittement incompréhensible et scandaleux de son assassin Villain en 1919, en 1923, la rancoeur était toujours tenace.

Ainsi dans ce journal socialiste,

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on apprend

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Quelques jours après dans le même quotidien

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ce dessin humoristique

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nous apprend que la manifestation a été interdite!

INITIALEMENT INHUMÉ À CARMAUX, JAURÈS ENTRA AU PANTHÉON EN 1924

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Voici deux documents qui rappellent la mort de Jaurès et comment sa mémoire est présente au coeur des luttes sociales et politiques.

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Un tract distribué par la SFIO (le Parti Socialiste) dont Jaurès était membre le jour de sa disparition. Il date de février 1936, quelques mois avant la victoire électorale du Front Populaire et le grand mouvement social duquel naîtront les congés payés. Il s’agit d’une dénonciation de la tentative d’assassinat dont a été victime Léon Blum, le leader de la SFIO, commise par un étudiant d’extrême-droite et de l’inertie du chef du gouvernement conservateur Pierre Laval face à cet acte. Ces faits eurent lieu le 13 février 1936 et il y eut bien une réaction du pouvoir avec la dissolution des ligues extrémistes: l’Action Française, les Camelots du Roy et le Front National (déjà) des Etudiants de l’Action Française.

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Second document authentique beaucoup plus émouvant, un numéro clandestin du journal L’Humanité (organe de la SFIC- le Parti Communiste) dont Jaurès était le fondateur et rédacteur en chef au moment de sa disparition. Double feuille ronéotypée clandestine datée du 31 juillet 1942, en pleine occupation, à un moment où être pris avec cet objet en poche pouvait entraîner l’arrestation, la question (torture), la condamnation, le déportation ou la mort. Le journal rend hommage à Jaurès, mort 28 ans auparavant, tout en dénonçant l’attitude de Vichy qui essayait de récupérer le pacifisme du grand homme en 1914 pour justifier sa collaboration avec les Nazis en 1942.

On reviendra sur le contenu de ce journal mais tout d’abord, on peut noter que Jean Jaurès mort en 1914 n’a pas connu le scission du mouvement ouvrier français entre les socialistes (SFIO) et les communistes (SFIC) lors du congrès de Tours de décembre 1920  (voir un article précédent du 03/05/2014). Si bien que plus de 20 ans après, les uns et les autres se réfèrent à sa mémoire et à son action. Mais qu’aurait-il fait s’il avait vécu ce congrès? Aurait-il pu empêcher cette scission et imposer un socialisme à la française non inféodé à Moscou?

Pour en revenir au contenu de cette Humanité clandestine,

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en première page ne dessous de la Une sur Jaurès et en seconde page, un appel aux jeunes français de refuser le STO (le travail obligatoire en Allemagne) et donc d’entrer en clandestinité et en résistance…. ce qui se produira, l’instauration du STO ayant eu pour conséquence de remplir les maquis de réfractaires.

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Dans le bas de la première page, le journal compare les soldats allemands endoctrinés par les nazis à des brutes barbares et animales qu’on ne peut que combattre et appelle à une lutte sans merci contre eux et leurs amis de Vichy. L’article se termine par ces mots: « …le devoir de l’heure se résume en ces mots: SE BATTRE, SE BATTRE, SE BATTRE ». Une comparaison est faite par rapport aux soldats soviétiques qui, eux, combattent comme des hommes. Le journal cite en fin de seconde page des actions résistantes à Nantes, Saint-Nazaire, Paris contre les bureaux du STO, sur la ligne de chemin de fer Paris-Arras, des sabotages de transformateurs électriques à Mont-Labbé, Concarneau, Brest (construction du mur de l’Atlantique? NDLR) , d’autres actions à Alsthom, Cazeneuve, Citroën, dans des dépôts SNCF de Paris, Lyon, Villeneuve-Saint-Georges, Juvisy…

Un dernier mot au sujet Villain, l’assassin de Jaurès. Après son acquittement, il connut plutôt une vie aventureuse et pas toujours dans la légalité. Il se retrouva à Ibiza au moment du déclenchement de la guerre civile espagnole. Considéré comme un agent franquiste (ce qui n’était pas impossible du tout), il fut fusillé par les Républicains.

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